Le spécialiste en relations internationales et essayiste, Christian Makarian, était l’invité ce mardi matin (7h47) d’Ilana Ferhadian dans le Morning de Radio J. Il aborde la question de la reconnaissance du génocide arménien et de la menace turque.
Samedi dernier, le Président américain Joe Biden, devenait le premier Président des Etats- Unis à reconnaître le génocide arménien, qui avait fait plus d’un million de morts en 1915. Cette décision a suscité la colère de la Turquie, qui voit dans la reconnaissance du génocide par les Etats-Unis, des pressions de la part des milieux anti-turcs.
Néanmoins, elle représente "pour tous les descendants des rescapés du génocide de 1915, une consolation et une profonde joie en matière de dignité", selon Christian Makarian. Pour les citoyens américains d’origine arménienne, qui ont combattu pour cette reconnaissance, c’est une étape qui ressoude une communauté arrivée dans les années 1920 aux Etats-Unis, avec l’American Dream en tête.
"L’Amérique a un rôle particulier, car dès 1915, l'ambassadeur Henry Morgenthau a immédiatement qualifié les événements de 1915 de crime contre l’humanité et a utilisé le terme d’extermination raciale". La puissance américaine était donc au courant et de ce fait a davantage agi que les puissances européennes en faveur de l'action humanitaire, pour les orphelins notamment.
Christian Makarian explique que Joe Biden s’inscrit dans la lignée de Barack Obama au sujet de la question génocidaire et que "ce qu’il veut c’est le dépasser, aller plus loin encore". Il n’en est qu’au début de son mandat "et il faut qu’il montre la différence qu’il a choisi en matière de grands principes des droits de l'homme". Biden est conscient de l’amertume laissée par Obama pour les minorités noires ou latino, exprimée sous la forme d’un regret dans ses mémoires. L’actuel Président des Etats-Unis veut au contraire que les "grands principes de droits humains" deviennent "une signature de l'Amérique à travers le monde”. Il s’agit bien de l’illustration de son slogan: "America is back".
Joe Biden veut mettre un terme à cette idée, largement suractivée par Donald Trump, selon laquelle l'Amérique se retire du monde."A chaque fois qu’elle se retire, on a constaté que soit la Russie, soit des puissances intermédiaires comme la Turquie, s’emparent du vide et installent un désordre international encore pire.“
Quant à la Turquie, elle représente une préoccupation pour les Etats-Unis. Antony Blinken, le nouveau secrétaire d'Etat l'a qualifiée de "soi-disant stratégique".Il a utilisé des mots particulièrement forts en exprimant qu’elle n’était plus digne d’être leur partenaire. "La période faste d’Erdogan où il pouvait tout se permettre en Syrie, en Libye, dans le Caucase, semble se refermer et une autre période s’ouvre à lui : une période durant laquelle il va se retrouver isolé et seul".
Selon Christian Makarian, Joe Biden a été élégant en téléphonant à Erdogan avant pour ne pas "l’humilier", car il sait très bien à quel point la notion d’orgueil joue dans ce pays qui s’appelle la Turquie. "Biden a mis les formes, néanmoins il a montré avec intelligence et avec tact sa fermeté".
De toute évidence, la Turquie n’a pas les moyens de répliquer et c'est une raison pour laquelle il n’y a pas de menaces cette fois-ci (commerciales, de rétorsion de différents types).
Erdogan s’est d’ailleurs rapproché de l’Union européenne. Il a bien pressenti qu’avec la fin du règne de Donald Trump, il perdait l'Amérique. Christian Makarian ironise: "On a vu la sincérité du rapprochement avec l’affaire du Sofagate".
Enfin, si la décision des Etats-Unis est susceptible d’entraîner d’autres pays dans la reconnaissance du génocide comme Israël par exemple, Christian Makarian répond que: "Israël est un peu dans le processus qu'a suivi les Etats-Unis. Par une commission, la Knesset a clairement voté en faveur d’une discussion à ce sujet. Beaucoup de députés à la Knesset qui s’activent pour reconnaître le génocide armenien."
Lucie Claudon
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