Le professeur en criminologie au Conservatoire national des Arts et métiers, Alain Bauer, était l’invité ce jeudi matin à 7h45, sur Radio J, au micro de Christophe Dard. Il est revenu sur l’attentat à Rambouillet et la situation de la police en France.
Vendredi dernier, l’agente administrative du commissariat de police, Stéphanie Monfermé a été assassinée par Jamel Gorchen, un homme de 36 ans, inconnu des services de renseignement. Il se serait radicalisé rapidement. Emmanuel Macron se rendra aux obsèques cet après-midi, et la cérémonie d’hommage national aura lieu demain. Elle sera présidée par Jean Castex.
Depuis 2015, douze représentants des forces de l’ordre sont morts dans des attentats en France. Alain Bauer explique que ces attaques ont commencé dans les années 60, au moment de l’OAS (Organisation armée secrète) et de l'indépendance de l'Algérie par un double mouvement d'attaque du FLN (Front de libération nationale) d’un côté, et l’OAS de l’autre. C’est à ce moment que le processus s’est inversé : les forces de sécurité sont tout à coup devenues des cibles. Le mouvement s'est ralenti à la fin de l’affaire algérienne puis a repris peu à peu, notamment dans les banlieues où plusieurs policiers, qui y habitaient ont été soumis à des menaces ainsi que leurs familles. Le "ministre des attentats" de l’Etat islamique, Abou Mohammed al-Adnani, avait indiqué qu’il fallait s’en prendre, si on ne pouvait pas rejoindre les terres du califat, aux personnes représentant l’autorité. Les premières victimes furent des militaires puis des agents de police.
Aujourd’hui, on assiste à un changement dans les profils et les modes opératoires des terroristes. Alain Bauer affirme: "l'Etat islamique a révolutionné le terrorisme, en inventant rien de nouveau mais en utilisant des moyens, des modes opératoires, d’une très grande diversité et en supprimant le concept d’un auteur, un opérateur, une signature." Le développement d’un terrorisme de proximité, avec des individus qui agissent avec "les moyens du bord", avait été anticipé par les services de renseignement français qui ont su contenir plus d’une cinquantaine d’attaques depuis 2015.
Les modes opératoires des terroristes n’ont donc rien de nouveau et "les terroristes essaient toujours de commettre des attentats spectaculaires, parce que c’est leur marque de fabrique, mais ont compris qu’ils pouvaient avoir la même médiatisation avec un micro attentat".
Enfin Alain Bauer explique que "l’Etat a paupérisé sa police, qu’il ne fait pas beaucoup d’efforts sur la mise en place d’outils intelligents" et qu’un profond sentiment de désespoir est présent dans la police, qui vit "plusieurs crises en même temps : une crise sociale, une crise morale, une crise de moyens, une crise de futur, de capacité à se projeter, ce qui est tout à fait remarquable car c’est présent depuis longtemps." Il revient sur la difficulté à remettre en ligne un dispositif qui a connu différents mouvements erratiques avec notamment ces différents va-et-vient entre les périodes de recrutement massif et les périodes sans recrutement, puis les 39h par semaine, puis 35h, l’annonce de l’introduction d’une cinquième équipe, etc…Les conditions de travail des policiers sont parfois déplorables : "La police vit mal avec des véhicules hors d’âge, des moyens dépassés, les bâtiments et les zones de repos feraient honte à un pays du tiers monde." Alain Bauer conclut : "Il faut repenser la police et pour se faire il faut la repenser avec elle et pas contre elle."
Lucie Claudon
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