La "bousculade" de Méron, la chronique de Richard Prasquier

Israël.

La "bousculade" de Méron, la chronique de Richard Prasquier
(Crédit: DR)

C'était ce mercredi dans sa chronique hebdomadaire dans le Morning d'Ilana Ferhadian sur Radio J, à 7H10.

La mort par asphyxie  est une des plus terribles. Le mot inoffensif de bousculade est donc trompeur, comme le terme anglais de stampede qui suggère que dans un mouvement de panique on marche les uns sur les autres. Il existe une physique des mouvements de foule, et ses conclusions sont sans appel. Les gens ne meurent pas parce qu’ils ont paniqué, ils paniquent parce qu’ils sont en train de mourir. 

Les bousculades mortelles, sauf si elles sont dues à un événement inattendu comme un incendie, obéissent à la dynamique des fluides, autrement dit à la physique du domino. Dans une foule où les individus sont maintenus côte à côte, si quelqu’un tombe, il se crée un trou d’air local qui fera trébucher les suivants.

Ceux qui mettent en cause les victimes de Méron en raison de leur excitation échevelée ont donc tort. Si dans une foule qui se déplace, il y a plus de six personnes par mètre carré, a fortiori si le sol est glissant et en pente ou avec des escaliers, les conditions sont réunies pour une catastrophe. C’était le cas à Méron ce vendredi 30 avril à minuit 50. Les avertissements n’avaient pas manqué, mais Méron était devenu extraterritorial. Les groupes harédis organisaient leurs festivités en indépendance et nul ne pouvait imposer une limite au nombre de participants. Les fidèles allumaient des feux et dansaient et les policiers priaient pour que tout se passe bien.

C’est au décours de la célébration organisée par Toledos Aharon que le drame est survenu. Toledos Aharon, qui porte le nom de Aharon Roth, le reb Arele, venu de Hongrie en 1942, organise de façon particulièrement rigide la vie de ses membres et est une des sectes antisionistes les plus virulentes. Elle est emblématique des mouvements ultra-orthodoxes qui par leur refus de restrictions portent une large part de responsabilité dans le drame de Meron. Il devait n’y avoir pas plus de 10 000 participants  pour des raisons sanitaires, car Israël n’a toujours pas d’immunité collective, les variants rodent et les événements religieux de masse sont les grands pourvoyeurs du Covid, comme cela s’est vu en Israël, en Iran, en France et aujourd’hui en Inde. Les responsables religieux ont refusé et le Ministre de l’Intérieur les a soutenus. C’est une aberration sanitaire aussi bien que sécuritaire.

Israël Lau, ancien Grand Rabbin d’Israël, présent à Méron, a demandé au monde ultra-orthodoxe un examen de conscience. Il est une autorité morale unanimement respectée, mais pas forcément chez les extrémistes, qui ne reconnaissent que leur propre chef spirituel et ne se posent probablement pas, les seuls dans le pays, la question de la responsabilité matérielle des hommes. Le Rabbin Chaim Kanievsky a écrit que la réponse au drame de Méron est le renforcement de l’étude de la Thora et la nécessité pour les femmes d’agir avec plus de modestie. 

Un tel commentaire donne-t-il la clé des agressions contre les soldates venues au secours des victimes? En tout cas, les crétins fanatisés qui en sont les auteurs devaient savoir que c’est le manque de respect qui a conduit à l’épidémie des élèves de rabbi Akiba et à Lag Baomer. Ils sont inadaptés à une société démocratique et cette situation est insupportable aux yeux de plus en plus d’Israéliens.

Il faudra analyser le rôle des politiques, entre les faiblesses électoralistes de Benyamin Netanyahou et les complaisances des ministres de l’Intérieur, de la sécurité et des affaires religieuses envers les secteurs les plus extrêmes de leur électorat.

En Arabie Saoudite après la tragédie du hadj de septembre 2015, les responsables furent décapités. Sans aller à de telles extrémités, on espère que l’enquête et la prise de conscience permettront à l’Etat d’Israël de s’approprier enfin la vieille devise de la diaspora: "Dina de malkhouta dina", la loi du pays est la loi. Pour tous les citoyens….

Richard Prasquier

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