La maire de Paris, Anne Hidalgo, était l'invitée de Christophe Barbier, ce mercredi matin à 8h30, sur Radio J.
Il y a exactement 200 ans, Napoléon Bonaparte s’éteignait sur l’île de Sainte-Hélène des suites d’une maladie. Aujourd’hui on se pose la question de savoir s’il faut commémorer ou rejeter son héritage. Anne Hidalgo répond : "Il faut bien sûr commémorer ! C’est notre histoire. Ça ne veut pas dire qu’il faut prendre la partie restauration de l’esclavage comme un élément de fierté. Il faut prendre notre histoire dans sa totalité. Elle doit nous faire réfléchir, mais bien sûr que Napoléon a marqué la France et l’Europe."
Au sujet de la loi climat, qui a été adoptée mardi avec une large majorité, Anne Hidalgo se montre moins enthousiaste. "C’est une occasion ratée : c’est la convention citoyenne qui a été à l’origine de ces propositions et à l’arrivée très peu des propositions des citoyens ont été prises." Elle reproche à l'exécutif son manque d’ambition et d’imagination sur les questions climatiques. Elle prend l’exemple de la rénovation thermique des bâtiments. Le gouvernement prévoit de rénover 1,8 millions de logements, ce qui n’est pas assez. "Nous n'avons plus la possibilité de faire des petits pas". Elle explique que dans ce domaine, il y a des centaines de milliers d’emplois à la clé. D’ici à 2050, 900 000 emplois dans le bâtiment. "Beaucoup de mots et très peu d’action".
Jeudi, Anne Hidalgo partira au Portugal pour le Sommet Social de Porto. "Les inégalités se sont encore plus creusées par la pandémie, mais elles préexistent". Ce sont les classes moyennes qui sont principalement visées : "Le décrochage de la classe moyenne fait vaciller la démocratie". C’est un véritable effort pour que l’enfant puisse aller dans le supérieur est colossal et ça se traduit par le fait que le jeune est obligé de travailler pour payer ses études.
Elle veut aussi véhiculer un message d’ambition : "Un plan de relance doit s’appuyer sur les collectivités, les maires, les régions, les départements, sinon il ne se passera pas grand chose."
Le plan Biden prévoit 350 milliards de dollars qui seront directement donnés aux collectivités locales, aux villes. En France, des annonces sont faites avec des chiffres qui mériteraient d’être vérifiés, selon elle : 4,5 milliards d’euros pour Toulon, 2,5 milliards pour Nice. Pour Paris : 10 millions d’euros pour le budget d’investissement du plan de relance.
Quant au socialisme, dont les 40 ans seront célébrés le 10 mai, Anne Hidalgo ne dément pas que ça puisse être l’avenir de la gauche. "Je pense que les solutions sociales-démocrates, ou écologistes, n’ont jamais été autant d’actualité et jamais été les solutions qu’il faut prôner dans nos pays." Elle dit qu’il y a des marches de manœuvre en France, Biden se les donne lui-même, bien que l’Europe ne soit pas dans la même situation que les Etats-Unis. Les différences institutionnelles sont majeures, "mais nous devons nous donner les moyens de sortir de cette situation". Pour Anne Hidalgo, il faut prendre conscience qu’il n’y a pas d’horizon possible, si on ne s’engage pas de façon très déterminée et volontariste dans la transformation de l’économie française vers une économie dite plus verte et décarbonée, mais aussi la lutte contre les inégalités.
Les forces socialistes qui gouvernent aujourd'hui en Europe ne sont pas très nombreuses : 6 pays se déclarent de gauche au niveau européen.
La question de la fiscalité et du financement se pose. Les prélèvements pour l'économie ne peuvent uniquement reposer sur le travail ou concerner les classes moyennes. Elle souhaite développer l’alternance et l’apprentissage pour les jeunes. "Ce qu’il faut c’est réindustrialiser beaucoup de régions qui ont tout perdu. Dans l’Est de la France, par exemple, des usines ont fermé depuis longtemps. Il y a beaucoup de désarroi des familles et des jeunes". Elle souhaite réindustrialiser avec deux points d’appui : l’économie verte et l’économie de la santé. Elle cite l’exemple de Carole Delga, qui s’est engagée en Occitanie dans l’hydrogène vert. Elle a réuni autour d’elle, les industriels, les utilisateurs, a travaillé sur la formation nécessaire pour les jeunes pour faire vivre le secteur d’activité.
Enfin, elle explique que son collectif "idées en commun", qu’elle appelle "l’équipe de France des maires", est le fruit de nombreux échanges, de travail mais que la somme de ces initiatives locales ne suffit pas pour fournir une programme national efficace en vue des présidentielles. "Je pense que les formations politiques de gauche, de droite, même le parti présidentiel ne vont pas bien". Elle s’est rendue à Douai sur un chantier d’insertion : "Je suis allée beaucoup sur des lieux où on travaille : les gens ont beaucoup à dire". Elle respecte la formation de gauche dans les tentatives de se parler, mais "moi je ne suis pas une femme de parti et d’appareil". Elle reste fidèle aux idées sociales-démocrates, à ces idées qui mettent les questions des inégalités au cœur.
"Je constate aujourd’hui que les Français et les Françaises sont très engagés, pas dans la vie politique mais beaucoup dans des associations, des collectivités locales et c’est là qui a cette énergie", qu’elle a envie de capter, parce qu’elle elle la comprend, elle l’entend, étant élue locale depuis 20 ans.
"C’est par les associations locales, par la vie des gens, les territoires, la vie syndicale qu’on crée les conditions de l'émergence d’une offre politique". Une offre politique pour laquelle elle veut se rendre utile et qui doit avoir à cœur l’écologie et la question de la lutte contre les inégalités. Elle dit : "ne baissons pas les bras, il y a une place pour chacun et chacune dans cette République française, pour qu'on soit considérés".
Lucie Claudon
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