Ce n'aurait pas été la première fois qu'un cycle de violence déclenché sur le front sud, se déplace sur le front nord. C'est même de cette façon qu'avait commencé la 2e guerre du Liban de l'été 2006. Mais cette fois, le Hezbollah a joué la prudence. Il y a pourtant eu trois attaques à la roquette tirées depuis le sud du Liban contre le nord d'Israël, deux qui n'ont pas atteint le territoire israélien et la troisième, le 19 mai où 4 roquettes avaient pénétré l'espace aérien d'Israël, sans faire ni blessé ni dégât. Même si ces attaques ont été attribuées par de supposées organisations palestiniennes, elles n'auraient jamais pu être lancées sans l'aval ou au moins la complicité passive du Hezbollah, qui contrôle totalement le sud Liban. On a d'ailleurs vu aussi les manifestations de solidarité avec le Hamas qui se sont tenues sur la frontière israélienne, sous la bannière de la milice chiite.
Si le Hezbollah ne s'est pas plus impliqué dans la confrontation, c'est qu'il avait ses raisons. La première est certainement que la dissuasion israélienne imposée depuis 2006 est encore efficace. Les coups subis par le Hezbollah pendant la 2e guerre du Liban ne l'incitent pas à retenter l'expérience, surtout quand il a constaté le type de frappes que Tsahal a effectuées contre l'infrastructure du Hamas, et qui lui ont rappelé celles qui avaient visé son quartier général du sud de Beyrouth il y a quinze ans. Et puis la milice chiite pro-iranienne a ses propres contingences. Sa situation à l'intérieur du Liban n'est plus celle dont elle jouissait il y a encore quatre ou cinq ans. Les crises politiques à répétition, la situation économique catastrophique et qui s'est encore aggravée après la terrible explosion du port de Beyrouth l'été dernier, ont sérieusement entamé la légitimité du Hezbollah, qui pourrait entrainer tout le Liban dans le chaos, en cas d'une nouvelle guerre avec Israël.
Cela dit, l'organisation chiite a aussi profité de ces onze jours de confrontation entre Israël et le Hamas, pour étudier le mode opératoire et les capacités israéliennes. Selon un ancien officier supérieur de l'aviation israélienne, Tsahal n'a même pas utilisé 10% de sa puissance de feu dans ses frappes sur Gaza. Ce qui donne une idée de ce qu'il pourrait faire s'il devait se confronter au Hezbollah, un adversaire d'une autre force que le Hamas. Et Israël n'avait pas hésité à riposter dès le premier tir de roquettes de l'organisation palestinienne qui avait visé Jérusalem.
En revanche, le Hezbollah a surement aussi scruté les faiblesses du dispositif israélien, en particulier sa carence en abris et en structures anti-bombardements, aussi bien dans les villes du sud que dans le nord. Les performances du système de défense Dôme de Fer assurent évidemment une protection inestimable pour l'arrière, mais ne garantit pas une protection hermétique à 100%. C'est notamment pour cette raison que le chef d'état-major de Tsahal a expliqué à plusieurs reprises que la prochaine confrontation avec le Hezbollah devrait se déplacer le plus vite possible vers le Liban, pour obliger la milice chiite à passer en défense.
Dans tous les cas, le Hezbollah ne prendra aucune initiative sans un ordre direct de son patron iranien. Et pour l'instant, le régime de Téhéran est plus intéressé à marquer des points sur le front diplomatique dans ses négociations avec les Etats-Unis. Mais pour Israël, la menace sur son front nord est toujours une réalité.
Pascale Zonszain
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