La crise politique est-elle l'effet ou la cause de la lassitude qui saisit en ce moment de nombreux Israéliens ? Et pourquoi cette impression que le fardeau est de plus en plus lourd à porter ? D'abord, parce que cela fait maintenant plus de deux ans et demi qu'Israël est dans une impasse politique. Quatre élections législatives depuis le printemps 2019 et seul le 3ème scrutin, celui de mars 2020, avait vu la formation d'un gouvernement d'un genre inédit, avec deux Premiers ministres censés se succéder à la tête de l'exécutif. Mais les rapports entre Benyamin Netanyahou et Benny Gantz n'ont jamais dépassé le stade de la défiance mutuelle, jusqu'à déboucher sur une quatrième dissolution de la Knesset et un quatrième scrutin en mars dernier.
Ensuite, la crise sanitaire a joué un rôle non négligeable dans la dégradation du climat. Même si la campagne vaccinale a été un succès incontestable, le Covid a contribué à creuser les divergences et à accentuer le sentiment d'incertitude sur la capacité des acteurs politiques à affronter une épreuve dont personne ne pouvait prédire la durée ni la gravité. Ajouté à cela une nouvelle confrontation avec le Hamas, qui vient rappeler que le conflit israélo-palestinien est toujours là et qu'une organisation terroriste ne renonce pas à son projet de détruire Israël. D'autant que pour la première fois, cet épisode de violence s'est doublé d'une éruption au cœur même d'Israël avec les émeutes dans les localités à population mixte juive et arabe. Et il ne faut pas oublier la tragédie de Meron, il y a juste un mois et les 45 victimes de la catastrophe du pèlerinage de la fête de Lag Ba'Omer. Car au-delà de l'effroi, le drame est venu rappeler que l'Etat d'Israël n'a pas encore tout à fait pris la mesure de ses responsabilités, quand il s'agit du monde ultra-orthodoxe, qui continue à fonctionner, en tout cas en partie, comme une société parallèle.
Toutes ces épreuves se sont accumulées, alors que le procès de Benyamin Netanyahou avait déjà antagonisé certaines franges de l'opinion. Durant près d'un an, la résidence du Premier ministre à Jérusalem est devenue le point de ralliement hebdomadaire de ceux qui réclamaient sa démission, face à ses supporters qui dénonçaient une tentative de renversement du chef du gouvernement Likoud.
Tout cela a laissé son empreinte sur le public israélien comme sur ses élus, avec l'usure politique inévitable d'un Premier ministre au pouvoir sans discontinuer depuis 2009. Alors, les Israéliens sont partagés entre la peur de l'inconnu et l'envie de changement, mais le changement n'advient pas et l'inconnu va trop vite. Le pays est-il prêt à laisser un parti islamiste partager le pouvoir avec les partis sionistes ? Une alliance entre élus de la droite nationaliste et de la gauche progressiste a-t-elle vraiment une chance de tenir ? Qu'est-ce qui est démocratique et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Cela fait beaucoup de questions qui tournent dans la tête des acteurs politiques et qui agitent les diners de famille.
Benyamin Netanyahou est convaincu que sans lui, point de salut. Naftali Bennett et Yaïr Lapid pensent qu'ils doivent épargner au pays une cinquième élection et que le temps est venu d'apaiser les fièvres et de se remettre au travail. Et tout le monde espère que la sortie de ce labyrinthe est proche.
Pascale Zonszain
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