Ce vendredi matin à 7h10, l’enseignante et essayiste française, Barbara Lefebvre, était l’invitée du Morning d’Ilana Ferhadian sur Radio J. Elle est revenue sur la gifle reçue par Emmanuel Macron dans la Drôme mardi et l'explosion de la violence dans le pays.
Quarante-huit heures après l’incident qui s’est déroulé à Tain l’Hermitage dans la Drôme mardi, la justice est passée aussi vite que la gifle fut envoyée. L’auteur des faits a assumé son geste qu’il dit non prémédité, y a apporté un sens politique trivial mais clair, il a dit que si c’était à refaire, il ne le referait pas ce qui pourrait être perçu comme une semi-excuse. Le geste méritait une sanction, une condamnation publique. Mais ne peut-on pas considéré aussi que la justice a été sévère dans la mesure où l’individu n’avait aucun antécédent : 18 mois de prison dont 4 fermes, privation de ses droits civiques pendant 3 ans, interdiction d’exercer dans la fonction publique.
En juillet 2011, à Brax dans le Lot et Garonne un homme d’une trentaine d’années avait agrippé violemment Nicolas Sarkozy alors président de la République. Pour ses faits, il avait été condamné à 6 mois de prison avec sursis 3 ans de mise à l’épreuve, obligation de soins et stage de citoyenneté de deux jours. A l’instar d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy n’avait pas porté plainte.
On constate qu’en dix ans, la justice se montre plus sévère. Pour ces faits en tous cas, car pour la justice du citoyen lambda, qu’elle soit civile ou pénale, elle ne se montre ni plus sévère ni plus rapide. C’est sans doute ce que retiendra une partie des Français témoins de la hausse des violences dans notre pays depuis des années avec une accélération récente évidente. Des Français verront sans doute dans cette sévérité une forme d’injustice quand les mêmes cours condamnent des agresseurs d’enseignants, par exemple, à des peines de sursis en dépit des ITT délivrés aux professeurs violentés. Que dire des policiers agressés quotidiennement à qui leur hiérarchie interdit de poursuivre les auteurs si ceux-ci enfourchent un deux roues pour partir en trombe ? Mais on nous dira que la justice est la même pour tous.
Que nos élites le veuillent ou non, une grande partie des Français considérera qu’il y a une justice pour les grands et une autre pour les petits comme eux. Que si l’on décide d’être sévère envers celui qui gifle le président, on doit l’être autant envers celui qui gifle le professeur, le chauffeur de bus, l’infirmière. On pourra toujours faire valoir la dimension symbolique de l’atteinte au chef de l’Etat qui représente tous les Français, le pays est trop à cran pour accepter cette hiérarchie dans les rendus de justice.
Il faut enfin s’intéresser à l’attitude d’EM dans cette affaire, assez révélatrice de sa compréhension de l’état de la société, de son habilité politique à forger une narration au service de son ambition. "Je ne pense pas qu'aujourd'hui la société française soit dans un moment de grande tension" disait-il hier au sujet de l’incident de mardi. "Je pense qu'il y a beaucoup de citoyens qui sont fatigués par l'épidémie, qu'il y a chez certains de nos concitoyens de la peur, du doute, de l'anxiété, les conséquences de la solitude… mais je ne vous dirai pas que je sens une violence sociale généralisée, ce n'est pas vrai".
EM parle-t-il d’un sentiment d’insécurité, même après avoir été agressé lui-même ? c’est au-delà de la résilience, c’est un sens aigu du déni. Un « acte isolé » nous dit-il… comme ceux que l’on se plait à attribuer à tous ces déséquilibrés qui attaquent au couteau ? Des citoyens « fatigués par l’isolement dû au Covid »… on voit poindre ici l’utilisation de la pandémie comme justification à la hausse des violences, à l’instar de la note de Gérald Darmanin adressée aux préfets il y a quelques jours.
La "violence sociale généralisée" serait donc une vue de l’esprit. On comprend qu’à moins d’un an de la présidentielle, le chef de l’Etat ne souhaite pas être catastrophiste sur l’état du pays après quatre ans de mandat. Le Covid aura sans doute bon dos pour tout justifier, car une campagne de sortant c’est celle du bilan, pas celle des promesses de "Nouveau monde" et de la "Révolution" conduite par "les 1ers de cordée".
Entre le catastrophisme prophétique d’un journaliste qui se rêve en futur Trump français et le monde macronien de Oui-Oui, il y a peut-être un juste milieu. Celui de la vérité sur la situation du pays. Un pays où la délinquance explose, où les violences familiales détruisent des vies et produisent les délinquants et criminels de demain dans l’indifférence générale, où les réseaux sociaux sont devenus une décharge à ciel ouvert de propos violents et insultants. Un pays qui a besoin désespérément d’espoir – et non de catastrophisme - et de vérité – et non de déni - pour apaiser ses colères.
Barbara Lefebvre
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