C’était le 17 juin 1981. La naissance de Radio J, première radio juive de France. On célèbre ainsi ce jeudi les quarante ans d’existence de la radio. Depuis 40 ans, la station a su résister aux épreuves et surtout se réinventer grâce à des militants comme Marc Eisenberg. Président mondial de l’alliance israélite universelle et de Qualita, et de passage à Paris, il répond aux questions d’Ilana Ferhadian.
Ilana Ferhadian : Vous avez sauvé Radio J en 2019. Que ce média subsiste, c’était quelque chose qui vous tenait à cœur ?
Marc Eisenberg : Absolument. Dans un moment difficile pour la communauté juive, avec la montée des actes antisémites, la délégitimation d’Israël, il était très important que toutes les voix de la communauté, que ce soit à la radio ou dans la presse écrite avec Actualité Juive, demeurent et aient une force plus grande. Donc, quand on est venu me solliciter pour me dire que Radio J risquait de disparaître, j’ai considéré que c’était une catastrophe. Donc je suis venu pour aider ce média à nous enchanter encore tous les jours.
À l’heure où Israël subit de la désinformation et la propagation de fake news, est-ce qu’il est nécessaire que des voix objectives sur le conflit israélo-arabe, comme Radio J et Qualita puissent se faire entendre quotidiennement dans le paysage audiovisuel français ?
Il est obligatoire qu’elle se fasse entendre et qu’elle soit encore mieux écoutée, mieux répandue et que les décideurs l'entendent également. Et tout cela dépend du nombre d’auditeurs. Plus la radio aura d’auditeurs, plus les décideurs du pays écouteront Radio J. Ils sont déjà nombreux à passer à l’antenne dans nos locaux pour montrer l’importance qu’ils attachent à ce média. C’est absolument fondamental. La guerre des mots, la communication, sont malheureusement aussi importantes que la guerre des âmes.
Oui, la guerre médiatique est très forte, particulièrement dans le conflit avec Israel...
C’est un conflit irrationnel. On a affaire à des haines séculaires. J’étais moi-même a New-York il y a quelques jours quand j’ai pu assisté a des manifestations pro-palestiniennes où on criait à Manhattan : "Morts aux juifs" ! Ce sont ces haines irrationnelles contre les Juifs, transformées aujourd’hui contre Israël qu’il faut absolument combattre. Et là-dessus, la communication est un vecteur essentiel.
Est-ce que vous comprenez que les médias français n’en parlent pas ?
C’est une bagarre continue. Il faut lutter tous les jours. J’ai été extrêmement choqué par exemple le premier jour de la guerre contre le Hamas. Jérusalem était la cible de roquettes, et le journal de France 2 ouvrait en disant "Attaque israélienne sur Gaza. 12 morts". Il fallait attendre le commentaire pour comprendre que c’était en réaction aux roquettes du Hamas. Il faut se battre. Les gens qui parlent de ça ne connaissent pas la scène du conflit, ne sont jamais allés en Israël. Il faut les emmener là-bas. Et, malheureusement, il y a des gens qu’on n’arrivera jamais à convaincre parce que ce sont des choses irrationnelles et que c’est une haine qui remonte à la nuit des temps. Il faut continuer à se battre.
Votre père, de mémoire bénie, Josy Eisenberg, était un homme de médias. Bien que rabbin avant tout, il était aussi producteur et réalisateur de télévision. Il animait "la Source de vie" sur France 2, émission qui était pendant longtemps le seul repère de culture juive dans les médias français. Est ce qu’à travers Radio J et Actualité Juive, vous aviez envie de perpétuer son œuvre d’enseignement ?
Je ne me place pas sur le même terrain que mon père car je ne suis pas rabbin. Lui a eu le mérite d’enseigner le judaïsme, non seulement à des dizaines de milliers juifs français, mais également à des non juifs. Il a révélé au public français de grands penseurs juifs, je pense au Rav Adin Steinsaltz Zal. Mais oui, c’était évidemment aussi un homme de communication. Moi, quand j’étais jeune, j’adorais déjà la radio, les journaux, je me permettais de lire pendant les cours le journal l’Equipe, et j’écoutais Europe 1 ! J’ai baigné dans cet environnement, mais mon œuvre est complètement différente. Ce n’est pas un enseignement rabbinique. Bien sûr, Radio J a par ailleurs ce rôle de faire connaitre les trésors du judaïsme.
Radio J s’est réinventée en 2019 avec ses nouveaux studios à Paris puis avec Judaïques FM. Est-ce qu’aujourd’hui, vous avez d’autres ambitions pour la radio et avec Qualita ?
Je pense qu’on doit poursuivre ce dialogue avec Qualita qui est une radio que l’on peut écouter sur Internet et qui se dirige vers un public francophone en Israël. On continue la professionnalisation de ces outils pour être mieux écoutés. On va se développer en province. On a beaucoup de projets. Et, on souhaiterait que les auditeurs soient de plus en plus nombreux.
Cécile Breton
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