Florence Tamagne, spécialiste de l’histoire de l’homosexualité, était l’invitée de Oliver Issembert ce jeudi matin sur Radio J, à 8h50. Elle est revenue sur l’exposition "Homosexuels et lesbiennes sous l’Europe nazie" du Mémorial de la Shoah.
Pour la première fois en France, un musée explore l’histoire de la persécution des homosexuels et des lesbiennes durant le Troisième Reich. Portraits d’hommes, de femmes, des archives historiques, des témoignages… Une exposition très forte en émotions a effectivement ouvert ses portes vendredi dernier au Mémorial de la Shoah, et ce jusqu’à début mars 2022. La commissaire scientifique de l’exposition, Florence Tamagne, a tenu à "remplacer la persécution des homosexuels et des lesbiennes sous le régime nazi dans le temps long. C’est une exposition qui couvre une période qui va de la fin du XIXe siècle à nos jours, qui rappelle que l’homosexualité, par exemple, était déjà réprimée en Allemagne depuis 1871, mais que le régime nazi va se caractériser par une augmentation très forte du nombre de personnes touchées et surtout, pour certaines d’entre elles, l’envoi en camps de concentration. Il était important aussi de montrer des parcours de vie très différents".
Parmi les homosexuels et les lesbiennes, "ce sont les hommes qui portent le triangle rose, qui sont envoyés, pour certains, en camp de concentration, parfois à voir purger leur peine de prison pour y être, selon le vocabulaire nazi, rééduqués [voire] guéris pour pouvoir être réintégrés à la communauté nationale". Il faut également savoir qu’ils "constituaient souvent une très faible minorité du camp", soit 1% au maximum. Ils étaient de même fréquemment isolés du camp et "intégrés aux compagnies disciplinaires".
Les femmes n’ont, quant à elles, "jamais porté le triangle rose. Certaines femmes homosexuelles ont pu être envoyées en camp de concentration, mais généralement sous d’autres prétextes, notamment comme asociales".
Par ailleurs, leur sort est un autre tabou. Celui-ci a effectivement été peu abordé et, grâce à cette exposition, il peut enfin être mis en avant. "Le problème majeur au lendemain de la Seconde Guerre mondiale c’est que la criminalisation de l’homosexualité masculine demeure en Allemagne, ce qui veut dire que les triangles roses ne seront pas considérés comme des victimes du nazisme. Leur parole ne sera pas entendue. Il faudra attendre 1985 pour que le présent allemand reconnaisse que cette déportation est un crime à part entière et que les processus de réhabilitation, d’indemnisation, se mettent en place dans les années 2000". Il faut toutefois rappeler que, "depuis les années 1970, des associations homosexuelles, lesbiennes, LGBT, se battent pour cette reconnaissance". Finalement, Florence Tamagne pense que "cette exposition est un appel à la vigilance, parce que, dans les années 1920, les mouvements homosexuels qui existaient alors pensaient qu’ils étaient engagés sur le voie du progrès et de la décriminalisation. Il n’en a rien été. On l’a vu, aujourd’hui, on voit encore la résurgence du discours homophobe extrêmement violent, d’une homophobie d’État", et ce récemment avec la Hongrie.
Cécile Breton
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