Jean-Yves Potel, écrivain et universitaire français spécialiste de la Pologne, était l’invité de Eva Soto ce mercredi matin sur Radio J, à 8h50. Il est revenu sur l’opposition d’Israël à la loi polonaise sur la restitution des biens spoliés aux Juifs pendant la guerre.
En ce moment, nous assistons à un regain de tension entre Israël et la Pologne. En cause : une loi votée jeudi dernier par l’Assemblée polonaise qui risque de priver les rescapés de la Shoah d’une indemnisation. Elle concerne les biens spoliés par les Nazis. Mais, en Pologne, c’est sur cette ambiguïté que joue Varsovie en évoquant le fait que c’est vers l’Allemagne que les Juifs doivent se tourner. Pour Jean-Yves Potel, "on est devant une loi qui n’est pas vraiment une loi. C’est un règlement de procédure administrative qui a été amendé par l’Assemblée. […] Toute décision administrative qui a plus de 30 ans ne peut pas être contestée. […] On s’aperçoit que ceux qui peuvent se retrouver bloqués par cet amendement sont ceux qui peuvent prétendre aujourd'hui à la restitution de biens qui sont dits abandonnés et notamment des biens juifs. On peut dire qu’au début il y a pu y avoir une confusion. On ne savait pas trop si c’était une loi qui concernait le sujet ou si c’était une petite loi administrative. Mais, avant même qu’elle soit votée, l’ambassadeur d’Israël a averti en leur disant 'faites attention car si vous votez cette loi vous allez vous trouver dans une situation où vous allez bloquer toute possibilité pour beaucoup de rescapés'".
Cette décision de la Pologne est un "vrai mystère. On est dans une situation vraiment incroyable. […] On est dans un jeu intérieur où ils agitent toujours le fantôme de l’antisémitisme".
À la question de savoir pourquoi la situation bloque en Pologne alors que la plupart des pays ont des politiques sur les indemnisations et les ayants droit, Jean-Yves Potel répond : "Premièrement, depuis la Seconde Guerre mondiale, a plusieurs reprises, il a été possible de restituer les biens juifs qui avaient été spoliés par les Allemands et qui avaient été accaparés par l’État polonais puisqu’ils étaient considérés comme des biens abandonnés après 1948. Mais, depuis 1990, il y a eu des législations qui ont été mises en place et qui permettent la reprise de ces biens et qui permettent de les restituer. Là, ça bloque pour des histoires de procédure. […] Il y a depuis toujours en Pologne un débat très vif sur la mémoire juive et de la Shoah dans lequel la Pologne a pris conscience de ce qu’il s’est passé et il y a eu beaucoup de travaux historiques, beaucoup de manifestations mémorielles qui condamnent l’antisémitisme et qui cultivent la mémoire des Juifs. Mais, en même temps, vous avez toujours eu une frange importante de la société qui a toujours essayé de réveiller l’antisémitisme." Finalement, si le pouvoir actuel ne mène pas ouvertement une politique antisémite, il est tout de même "très indulgent vis-à-vis de groupes d’extrême droite et qui eux sont ouvertement antisémites. […] Il y a une sorte d’opportunisme de la part du pouvoir vis-à-vis de ces gens. C’est d’autant plus fort aujourd’hui que le pouvoir actuel est en faiblesse".
Cécile Breton
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