Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême-droite, historien et chercheur au centre d’étude politique à l’université de Montpellier, était l’invité d’Eva Soto ce lundi matin sur Radio J, à 8h50. Il est revenu sur la possible candidature aux présidentielles de Éric Zemmour.
Depuis que Albin Michel a lâché Éric Zemmour, la candidature à l’Elysée du chroniqueur de CNews a pris un aspect plus concret. Mais, celui-ci dément avoir évoqué ses velléités politiques avec son éditeur. Des jeunes ont pourtant lancé une campagne d’affichage pour le soutenir. Une candidature symptomatique de ce qu’on appelle la "droite hors les murs" et qui va de la nièce de Jean Marie le Pen à Philippe de Villiers en passant par Nicolas Dupont-Aignan. Pour Nicolas Lebourg, cette candidature correspond à une "sociologie de manière très claire. Les gens qui regardent les émissions de Éric Zemmour, les gens qui achètent ses livres, les gens qui vont à ses conférences, c’est des gens de la bourgeoisie droitisée, des gens qui se radicalisent par rapport aux Républicains ou des gens qui s’intéressaient au Rassemblement national et qui ne croient pas en son programme économique et social".
Par ailleurs, il faut savoir qu'Éric Zemmour représenterait 5% des intentions de vote, ce qui est peu. À la question de savoir à qui il peut prendre des voix dans les urnes, l’historien répond : "C’est tout à fait compliqué. Par rapport au positionnement de Éric Zemmour, si on regarde les élections européennes, il y avait deux listes qui se disaient contre le grand remplacement, elles font 6 000 voix à elles deux. Il y a un espace qui est très ténu. Le Front national est normalement considéré comme plus légitime, mieux positionné sur cette question de la lutte contre l’émigration, y compris de ses conceptions les plus racistes et raciales. Ceci dit, Éric Zemmour c’est une autre surface médiatique, une autre surface politique et on revient sur [le fait] qu’il est très performant sur les catégories sociales supérieures. Ce qui est intéressant c’est que ces catégories là ne votent pas pour Marine le Pen normalement, parce qu’elles n’y croient pas."
Si nous comparons Éric Zemmour et Marine le Pen sur la question de l’Islam, "la différence est quand même très claire. Marine le Pen dit toujours qu’elle ne vise pas l’Islam mais le djihadisme, avec tout de même des ambiguïtés. […] Elle a toujours l’idée d’un unitarisme de la nation. Il ne doit pas y avoir de différences linguistiques, pratiques, cultuelles, culturelles. Elle a un culte de l’unité nationale qui doit gommer toute différence".
Il faut aussi préciser que l’antisémitisme est devenu un repoussoir en termes de discours politique. Pour interpréter les propos de Éric Zemmour lorsqu’il a parlé d’un Pétain sauveur des Juifs français ou des Français juifs, il faut différencier deux choses. "Sur le plan historiographique, sur le plan de notre connaissance historique, ce que dit Éric Zemmour ne vaut pas une cacahuète. C’est un propos qui n’a aucun sens, qui ne repose sur aucune réalité. La totalité des archives démontrent l’inverse". En revanche, un concept "au niveau de la sociologie électorale vaut pour toute l’Europe : tout signe antisémite fait perdre des voix en politique aujourd’hui".
Nicolas Lebourg évoque aussi le fait que le chroniqueur puisse être un "boulet". "Ça dépend uniquement du discours de ses contradicteurs. Éric Zemmour est quelqu’un de très doué puncher sur un plateau télé face à des chanteurs de variétés. […] Mais, un débat politique c’est plus compliqué que balancer quelques punchlines. Donc, la question c’est comment les adversaires vont utiliser ça et comment ils vont être en capacité d’y répondre". Le chercheur rappelle finalement le problème des propos très masculinistes et machistes de Éric Zemmour. "Or, les femmes s’abstiennent moins que les hommes. Donc, on peut imaginer que les adversaires intelligents de Éric Zemmour passeraient leur temps à l'interpeller sur des propos qui ont parfois pu être un peu, beaucoup choquants quant à ce qu’il pense des femmes."
Cécile Breton
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