Yaïr Lapid aura amorti son déplacement dans la capitale européenne. En deux jours de présence à Bruxelles, le ministre israélien des Affaires étrangères a rencontré successivement son homologue égyptien Samer Shukri, le haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, le Secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg et il a même déjeuné avec 26 ministres des Affaires étrangères de l'UE, avant de participer à leur Conseil des Affaires étrangères. Il est vrai que les relations entre Jérusalem et Bruxelles s'étaient tendues au fil des années et que Benyamin Netanyahou n'avait pas fait de l'UE une de ses priorités diplomatiques, en tout cas pas au point de se déplacer spécialement dans la capitale européenne. Il est vrai aussi que depuis qu'il avait pris la tête du gouvernement en 2009, le Premier ministre Likoud avait gardé la haute main sur la politique extérieure d'Israël, qu'il ait cumulé ou non le portefeuille des Affaires étrangères. Et les diplomates européens n'avaient plus accueilli un ministre israélien des Affaires étrangères à leur siège de Bruxelles depuis 2008.
On peut donc comprendre leur intérêt et leur curiosité à rencontrer Yaïr Lapid, en ce qu'il représente aussi le tout nouveau gouvernement israélien après douze années d'administration Netanyahou. C'est aussi de l'intérêt des nouveaux dirigeants israéliens d'exploiter cette dynamique, pour jeter les bases d'une nouvelle coopération, sans toutefois se faire trop d'illusions. La politique européenne à l'égard d'Israël ne se transformera pas simplement parce que Naftali Bennett et Yaïr Lapid ont succédé à Netanyahou. Le nouvel accord de coopération culturelle Creative Europe en cours de négociation comprend toujours une clause excluant les implantations de Judée Samarie, dont Israël ne tiendra pas plus compte que dans les accords précédents. La position constante de l'Europe sur la formule à deux Etats pour le règlement du conflit israélo-palestinien ne bougera pas non plus d'une virgule. Mais on ne peut nier qu'il y a du côté des leaders européens un attrait pour cette nouveauté politique israélienne que représente l'attelage Bennett-Lapid.
Du côté de la Jordanie, c'est surtout l'existence de la rencontre – gardée secrète – entre le roi Abdallah et le Premier ministre Bennett la semaine dernière à Amman, qui témoigne aussi d'une volonté d'ouvrir un nouveau chapitre, mais sans s'engager trop loin dans la normalisation. La Jordanie, ce n'est pas les Emirats arabes unis.
Et il reste encore à Naftali Bennett à rencontrer le président Biden. Le chef de la Maison Blanche ne sait pas encore trop comment aborder ce Premier ministre nationaliste flanqué d'une coalition hétéroclite, mais sa ligne politique sera celle des administrations démocrates précédentes. Bennett et Lapid ont en tout cas pour eux d'avoir pris leurs fonctions après la confrontation du mois de mai contre le Hamas. Ce qui leur laisse un crédit auprès des leaders du monde. Mais l'attrait de la nouveauté, par nature, n'est pas fait pour durer. C'est donc le moment pour Lapid et Bennett d'en profiter.
Pascale Zonszain
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.