Le terme d'ARN messager était, il y a deux ans, totalement inconnu du public et pas très connu non plus, reconnaissons-le, d’une grande partie du corps médical. Et pourtant, le vaccin que quelques laboratoires ont pu mettre à notre disposition aussi rapidement ne constitue probablement que les prémisses d’une révolution médicale en marche.
Un vaccin totalement d'un nouveau type puisque nous sortons avec l’ARNm de la technique classique de l’injection d’un virus inactivé ou atténué contre lequel l’organisme développe des Anticorps. Ici, on administre au patient des molécules d’ARN qui correspondent à une séquence de protéines de l’agent pathogène (infectieux) contre lequel on souhaite immuniser le receveur. Il faut bien les choisir, c'est à dire qu’elles doivent être capables de provoquer une bonne réaction immunitaire. Ce qui n’est pas toujours le cas, nous l’avons vu avec le vaccin allemand Curevac dont les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances.
L’ARN code la protéine Spike ce qui empêche le virus de se fixer dans l’organisme et d’éviter ainsi les formes graves d’abord pulmonaires (la phase infectieuse) avant d’être générales (le redoutable orage cytokinique).
Non seulement le vaccin est facile à fabriquer en grandes quantités mais de façon extrêmement rapide et à un coût peu élevé. Les responsables des deux grands laboratoires (Pfizer/BioNTech et Moderna) ont expliqué qu’il leur serait possible de fournir en quelques semaines un vaccin efficace contre les futures mutations du virus et pour les rappels.
Bien entendu, d’abord en cancérologie ce qui a fait dire abusivement à certains que c’était non pas un vaccin mais un « bricolage » génétique inquiétant. Et c’est vrai que la cellule cancéreuse comme le Sars-Cov mute et produits des variants contre lesquels il faut agir sans s’attaquer aux cellules saines. Les progrès dans le maniement de l’ARNm et les possibilités de s’adapter rapidement laissent entrevoir d’immenses promesses. Des chercheurs de l’université de Tel Aviv viennent d’ailleurs de développer une technique capable de détruire des cellules mutantes et d’améliorer ainsi le pronostic des cancers de l’ovaire métastatique et de T du cerveau. Et nous avons le sentiment que le champ de tous les possibles s’ouvre avec des applications qui pourraient être multiples : en infectiologie bien sûr, en pneumologie (bronchiolite, mucoviscidose), en rhumatologie et même dans le domaine cardio-vasculaire. Et qu’on pourrait même envisager son utilisation dans le cadre des maladies neuro-dégénératives (Parkinson, terrible SLA ou maladie de Charcot) pour non seulement empêcher l’évolution de la maladie mais également et surtout envisager de récupérer force musculaire et mobilité.
Stéphane Bancel, le patron français de Moderna expliquait récemment que ses équipes travaillaient sur un médicament qui utilisait la technologie de l’ARNm pour revasculariser les coronaires après un IDM. Ils injectent l’ARNm, non pas de la protéine Spike mais d’un facteur de croissance des vaisseaux sanguins (Protéine VEGF) avec des résultats très prometteurs.
Nous ne sommes plus dans une simple innovation thérapeutique mais véritablement dans une révolution en marche. Cette pandémie d’un autre âge, qui nous ramenait aux grandes épidémies d’autrefois, aura au moins permis une avancée probablement historique. A quelque chose malheur est parfois bon.
Docteur Serge Rafal
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