Création de l'Etat d'Israël: après la Shoah, une acceptation de la tragédie pas facilement réalisée

Israël.

Création de l'Etat d'Israël: après la Shoah, une acceptation de la tragédie pas facilement réalisée
Les pionniers à l'époque de la création de l'Etat d'Israël. Source: DR

L'Etat d'Israël n'est pas né à cause de la Shoah. Il est né malgré la Shoah. Pendant la Seconde guerre mondiale, les dirigeants du futur Etat ont tenté de venir en aide à leurs frères d'Europe avec les maigres moyens dont ils disposaient. L'immigration des Juifs d'Europe en Eretz Israël avait été rendue extrêmement difficile, voire quasiment impossible, à cause de la politique du Livre Blanc fixée par les Britanniques qui détenaient le Mandat sur la Palestine.

Durant les premières années qui ont suivi l'Indépendance, Israël a voulu tourner le dos à l'horreur de l'extermination de six millions de Juifs par les nazis. On accueillait les rescapés de la Shoah, mais on ne voulait pas entendre leur histoire. Il fallait s'occuper du présent d'un pays encore fragile et menacé sur ses frontières et construire l'Etat. Israël devait se penser comme un peuple fort et surtout pas comme un peuple faible et victimisé.

Il faudra presque dix ans pour que la Shoah fasse son chemin dans la culture israélienne, pour en devenir un des piliers. La première commémoration est religieuse. C'est le Grand Rabbinat d'Israël qui fixe une date de cérémonie pour les victimes de la Shoah : le 10 du mois de Téveth, qui correspond à la date traditionnelle de commémoration pour les morts dont on ne connait pas la date de décès. En 1959, c'est le gouvernement israélien qui établit les règles et le calendrier pour un cérémonial qui sera désormais civil.

C'est ainsi que nait le "Yom HaShoah VeHaGvura", le jour de la Shoah et de l'héroïsme. Parce que pour Ben Gourion et les socialistes sionistes, il fallait impérativement donner à l'événement une dimension héroïque, en insistant sur les actes de bravoure juifs au cœur du drame, même s'ils étaient sans proportion avec l'ampleur de la machine d'extermination nazie. C'est aussi pour cela que la date choisie n'est pas celle de la libération des camps nazis, mais celle du début du soulèvement du Ghetto de Varsovie. C'est-à-dire le 27 du mois de Nissan. Et la symbolique continue, puisque la date du Yom HaShoah se retrouve sur le calendrier entre la fête de Pessah, première libération du peuple juif et la fête de l'Indépendance de l'Etat.

Du même coup, la boucle est bouclée. Israël a fait la jonction entre la tradition juive et l'histoire moderne qui débouche sur la renaissance de l'Etat souverain, et donne une place supportable à la tragédie de la Shoah.

Quant à la prise de conscience profonde de la Shoah et de la persistance de ses blessures pour les survivants et les générations suivantes, elle s'est réalisée progressivement. C'est le procès d'Adolf Eichmann en 1960 à Jérusalem, qui a été le détonateur. Pour la première fois, les Israéliens ont entendu dans un cadre officiel et solennel les témoignages de rescapés. Les victimes étaient reconnues.

Depuis, les Israéliens se sont rapprochés de leur mémoire de diaspora, ils se sont intéressés à la Shoah pour comprendre qu'elle les avait atteints eux aussi. Depuis 1988, un programme éducatif organise chaque année une Marche des Vivants, qui réunit des lycéens israéliens et juifs de diaspora entre les camps d'Auschwitz et Birkenau. Ils sont des centaines de milliers à y avoir participé. Le lien mémoriel est rétabli.

Pascale Zonszain

PZOOM-23-01-20

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