Renée Frégosi, philosophe, ancienne directrice de recherche en science politique à l’Université Paris III Sorbonne-Nouvelle et spécialiste de l’Amérique latine, était l’invitée de Eva Soto ce mardi matin sur Radio J, à 8h50. Elle est revenue sur l’anniversaire de l’attentat antisémite contre l’Association mutuelle israélite argentine (AMIA) à Buenos Aires.
Il y a 27 ans, l’Argentine subissait l’attentat le plus meurtrier de son histoire : en 1994, une bombe explosait à Buenos Aires à l’AMIA, un bâtiment qui regroupe alors plusieurs associations juives. Le bilan est terrible : 85 morts et plus de 200 blessés. Mais 27 ans plus tard, le dossier n’est toujours pas résolu. En 2015, le juge chargé de l’enquête, Alberto Nisman, était ainsi assassiné d’une balle dans la tête, dans des circonstances mystérieuses.
Avant d’être tué, explique sur Radio J la philosophe Renée Frégosi, "Alberto Nisman avait quasiment bouclé le dossier de l’AMIA. Aujourd’hui, sont recherchées par Interpol, cinq personnes dont un haut diplomate iranien et une autre personne d’origine libanaise qui a un passeport colombien". Une tierce personne inconnue est également recherchée.
Certains observateurs estiment que si Alberto Nisman a été éliminé, c’est parce qu’il s’apprêtait surtout à faire des révélations sur l’affaire, notamment au sujet de la collusion entre l'ex-présidente Cristina Kirchner et l’Iran. S’agit d’un crime politique ? Renée Frégosi est claire : "Non. Aujourd’hui on ne possède pas les preuves que pensait avoir Alberto Nisman. Quatre jours avant son assassinat, il avait accusé la présidente de la République d’Argentine d’avoir passé un accord en 2013 avec l’Iran qui consistait à ne plus poursuivre ces personnages iraniens dans ces affaires. On n’a pas les preuves de son implication mais, effectivement, il semblerait qu’il y ait eu des contacts entre les autorités iraniennes et Cristina Kirchner".
Des "contacts", qui montrent aussi la réalité de l’antisémitisme dans le pays. Si l’Argentine est le pays d’Amérique latine qui compte la plus grande communauté juive, toutefois, le pays a aussi caché des Nazis en fuite sous le régime de Perón. Dans cette région du monde, l’antisémitisme ne se porte "malheureusement pas trop mal". "En Argentine il y a encore effectivement des personnes et des réseaux qui à la fois protègent la mémoire de Perón et souhaitent s’en prendre à des Juifs ou à des ressortissants israéliens".
Et Renée Frégosi poursuit : "Le péronisme est une réalité politique extrêmement complexe. Parmi la nébuleuse péroniste, vous avez encore des éléments antisémites. On parlait de l’Iran mais, en Amérique latine et dans la zone de la triple frontière, c’est-à-dire l’Argentine, le Paraguay et le Brésil, le Hezbollah est extrêmement présent à ciel ouvert."
Une situation trouble qui exaspère les proches des victimes, toujours en attente de justice. La philosophe conclue qu’il ne faut pas seulement incriminer la justice argentine. "Parmi les juges argentins certains ont essayé d’étouffer l’affaire et d’autres, au contraire, travaillent à la connaissance d’une part de la vérité et d’autre part de la poursuite des coupables. Dans le dossier du juge Nisman les choses sont beaucoup plus argentines. Le dossier avance même s’il y a des empêchements. Pour ce qui est du dossier de l’AMIA, les familles de victimes sont extrêmement meurtries. C’est terrible pour elles que le dossier ne soit toujours pas abouti."
Cécile Breton
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