Jean-Yves Potel, écrivain et universitaire français spécialiste de l’Europe centrale, était l’invité de Olivier Issembert ce vendredi matin sur Radio J, à 8h50. Il est revenu sur le sujet de la Hongrie et la Pologne épinglés à nouveau par Bruxelles dans un rapport sur l’État de droit.
La Hongrie et la Pologne se retrouvent à nouveau dans le collimateur de l’Union Européenne. Épinglés cette semaine dans un rapport de Bruxelles sur l’État de droit, ils sont mis en cause sur leur réforme jugée attentatoire à l’indépendance des magistrats, mais aussi concernant leurs attitudes face à la liberté de la presse et leur laxisme dans la lutte contre la corruption.
Il y a-t-il eu une évolution depuis septembre dernier ? « Du point de vue des directions des gouvernements, il n’y en a pas eu », explique Jean-Yves Potel. La Hongrie et la Pologne ont continué « à porter atteinte aux droits démocratiques dans leur pays. Mais, dans le même temps, on peut dire quand même que les prises de position de la commission européenne et de la Cour de justice sont soutenues dans les deux pays par des oppositions et par une opinion qui commence à en avoir vraiment assez de ces prises de position de leur gouvernement. La situation est aujourd’hui tendue dans les deux pays ».
Si l’écrivain ne sait pas dire si cette nouvelle mise en garde permettra un avancement, il estime qu’il peut être efficace. « Les décisions de la Cour de justice, qui touchent principalement la Pologne, n’attendent pas des années pour être appliquées. Une fois que l’ultimatum est terminé, c’est-à-dire dans quinze jours, elle doit l’exécuter. Si elle ne le fait pas, elle paie immédiatement une amende très importante. On peut considérer que les procédures prises par la commission sont plutôt lentes ».
Toutefois, au Parlement européen il y a eu une levée de tous, sauf de l’extrême droite, contre ces pays et leur attitude sur les droits démocratiques. « Je crois que la pression est aujourd’hui de plus en plus forte sur ces gouvernements. […] On est dans un bras de fer ».
Et Jean-Yves Potel poursuit : « Il y a plusieurs sanctions qui sont en cours. D’abord, il y a une demande de respect de l’État de droit. Elle pourrait être sanctionnée si elle n’est pas appliquée. Ça va prendre encore beaucoup de temps. Il y a deux autres possibilités : sur la Cour européenne de justice qui est immédiate et le fond de relance qui donnera près de 40 milliards à la Pologne et 8 ou 9 milliards à la Hongrie ».
La commission a toutefois suspendu pour le moment l’approbation des plans polonais et hongrois. « Ça aussi ça peut leur faire perdre beaucoup d’argent. Je crois que la pression est forte mais elle n’est pas encore suffisante ».
Pourquoi les problèmes identifiés de ces pays sont plus systémiques que pour les autres. Quelle est la différence par rapport aux autres pays de l’union européenne ? « Les régimes polonais et hongrois se sont orientés vers le construction d’un Etat autoritaire. Vous avez une véritable politique qui est longue. Elle dure depuis dix ans pour les Hongrois et depuis six ans pour les Polonais. […] La réforme de la justice en Pologne est un véritable scandale. Elle remet en cause un certain nombre de principes de la justice démocratique et de l’indépendance de la justice ». Cette politique a pour but de construire un État qui va remettre en cause les principes de la démocratie. « Ces réformes sont très profondes ».
Toutefois, concernant la Hongrie, la situation paraît différente. « La loi en cause est celle sur les LGBT. La question n’est pas de savoir si on est pour ou contre. La question concerne une atteinte aux libertés individuelles selon les principes de l’Union européenne car on assimile les LGBT à des pédophiles et on leur interdit leur orientation sexuelle ». En dehors de cela, nous trouvons aussi des réformes concernant la justice et la liberté des médias et de la presse.
L’Europe aurait-elle dû mettre en place des moyens de surveillance dès le départ ? Jean-Yves Potel estime que nous n’avons pas réagi si fortement que nous aurions dû le faire. « Mais ça ne tient pas qu’à ces pays. Ça tient à la situation en Europe. Les gouvernements polonais et hongrois ont des orientations politiques qui sont partagées par beaucoup », et ce aussi bien en France, qu’Allemagne ou en Italie.
L’écrivain nous explique finalement que ces pays au passé communiste ne se radicalisent pas plus facilement et plus rapidement que d’autres. Il prend l’exemple de l’Italie où la situation a été plus rapide et plus importante. « Ils ont pris des mesures qui ont été contre les migrants extrêmement dures. […] Je crois que nous avons un rapport de force politique dans tous les pays », conclut Jean-Yves Potel.
Cécile Breton
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