On aura l'occasion de reparler abondamment de la première rencontre de Naftali Bennett et Joe Biden à Washington. On ne sera probablement plus dans la relation privilégiée qu'avaient nouée Benyamin Netanyahou et Donald Trump, ni même dans celle qui liait le défunt Ariel Sharon et George W. Bush. Dans le cas de Netanyahou et Trump, ils partageaient une vision plus pragmatique du Moyen Orient qui a isolé l'Iran et rapproché ses ennemis communs. Dans celui de Sharon et Bush, c'était l'admiration du président américain pour le vieux combattant israélien. Naftali Bennett et Joe Biden n'ont à première vue rien qui les relie. Le chef du gouvernement israélien appartient à la droite nationaliste même s'il est à la tête d'une coalition qui inclue un parti islamiste et des ministres d'extrême-gauche. Le président démocrate est engagé dans la négociation avec l'Iran pour réintégrer le protocole international sur son programme nucléaire militaire. Quant à sa vision du règlement du conflit israélo-palestinien, elle renoue avec celle de ses prédécesseurs démocrates et la ligne de tous les présidents américains jusqu'à Donald Trump.
Quant à sa vision plus générale du rôle des Etats-Unis au Moyen-Orient, elle est celle du désengagement. Ce faisant d'ailleurs, Joe Biden s'inscrit dans la suite de Barack Obama et de Donald Trump. Après la Syrie, après l'Irak, les Etats-Unis se sont retirés d'Afghanistan dans les tourments que l'on sait, et sans regarder en arrière. Et cela inquiète évidemment les leaders de la région, qui se considèrent comme des alliés des Etats-Unis. En ce qui concerne Israël, il n'y a rien à comparer avec la situation de l'Afghanistan. Il ne s'agit pas d'un Etat tenu à bout de bras par les Américains et qui s'est effondré comme un château de cartes dès qu'ils ont quitté le pays. Mais c'est un témoignage supplémentaire que les Etats-Unis peuvent abandonner leurs alliés d'hier quand ils estiment que cela sert leurs intérêts.
Si Israël a bâti sa défense en grande partie sur l'aide américaine, son armée, son économie, sa société ne dépendent pas des Etats-Unis pour exister. En revanche, d'autres pays de la région n'ont pas forcément la même solidité. A commencer par l'Egypte, qui a repris une certaine stabilité sous le régime autoritaire du maréchal Al Sissi. Aujourd'hui, le président égyptien, en place depuis 2013, peut faire la différence entre ses difficiles relations avec Washington pendant le second mandat Obama et l'idylle qui a suivi durant les années Trump. Et surtout, Al Sissi n'a pas oublié comment les Etats-Unis avaient abandonné le président Hosni Moubarak, renversé par le Printemps arabe il y a un peu plus d'une décennie. Ce n'est donc pas un hasard si Al Sissi a invité Naftali Bennett au Caire pour une visite officielle qui devrait avoir lieu dans les prochaines semaines. Car le président Al Sissi, s'il veut faire monter sa cote à Washington, a tout intérêt à utiliser le leader israélien comme témoin de moralité. Une cordialité affichée avec Naftali Bennett passera mieux que les rencontres secrètes que le président égyptien avait eues avec Benyamin Netanyahou. Quand les Etats-Unis donnent des signes d'éloignement, Israël peut être un bon relais. Cela s'est déjà vérifié dans le passé. A condition évidemment, que la première rencontre Biden-Bennett soit un succès.
Pascale Zonszain
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