Le Premier ministre israélien aura bien fait d'attendre. Son programme à Washington avait été bouleversé jeudi par l'annonce de l'attentat meurtrier de Kaboul, quelques minutes avant l'heure prévue de sa rencontre avec le président des Etats-Unis. Face à l'ampleur du drame, il était clair que le chef de la Maison Blanche ne pouvait recevoir son hôte israélien comme si rien ne s'était passé, sans donner l'impression d'une indifférence qui aurait choqué le public. Quant à Naftali Bennett, il ne pouvait rentrer en Israël sans avoir vu Joe Biden, alors que la rencontre devait marquer la vraie première prise de contact entre les deux administrations, surtout dans une période aussi sensible.
Et Naftali Bennett aura pu cocher toutes les cases sur sa liste. D'abord sur le dossier iranien. Le Premier ministre israélien a obtenu un engagement sans ambiguïté du président américain : l'Iran n'atteindra pas la capacité nucléaire militaire, ni pendant son mandat à la Maison Blanche, ni jamais. Et si la voie diplomatique devait échouer, les Etats-Unis y parviendraient par d'autres moyens, a indiqué Joe Biden. Cela permet donc au chef du gouvernement israélien de moins redouter le résultat des négociations internationales sur l'accord des grandes puissances avec l'Iran.
Sur le plan militaire, Naftali Bennett a obtenu sans véritable surprise le renouvellement des stocks des batteries Dôme de Fer de défense aérienne, largement entamés par les 11 jours de combat du mois de mai et l'interception des milliers de roquettes tirées par le Hamas. Car la fourniture américaine, même si elle s'appuie sur une technologie israélienne, pèse tout de même plusieurs milliards de dollars. Et dans le contexte de la calamiteuse sortie américaine d'Afghanistan, l'engagement de Biden n'allait pas de soi. C'est sans doute pour ne pas mettre le président américain en porte-à-faux avec son opinion publique, que Naftali Bennett a d'ailleurs tenu à rappeler une évidence : Israël n'a jamais demandé et ne demandera jamais l'envoi de troupes américaines pour assurer sa défense.
Enfin, il faut noter ce qui n'aura pas été évoqué, en tout cas publiquement, par les deux leaders lors de leur rencontre : le dossier du règlement du conflit israélo-palestinien. D'abord, parce que clairement, les Etats-Unis ont actuellement d'autres priorités, au Moyen-Orient et au-delà. Et puis aussi parce que le président démocrate a compris qu'il n'obtiendrait rien en forçant la main au chef du gouvernement israélien. Naftali Bennett, dans une interview au New York Times, au début de la semaine dernière avait déjà clarifié sa ligne dans ce dossier : pas d'annexion de territoires, mais pas non plus de création d'un Etat palestinien indépendant. Evidemment, les Américains préfèreraient quelque chose de plus stimulant qu'un statu quo, mais en même temps, c'est aussi l'assurance qu'ils n'auront pas à craindre d'initiative unilatérale israélienne. C'est d'ailleurs le principal élément que les responsables américains retiennent de leur prise de contact avec le nouveau gouvernement israélien : Bennett est prêt à jouer selon les règles, sans surprise et dans la transparence. Et pour Biden, cela vaut quelques concessions à cette coalition israélienne hétéroclite. A commencer par ne pas prendre la responsabilité d'une crise politique intérieure, en tout cas jusqu'à ce que Naftali Bennett ait réussi à faire voter le budget de l'Etat, au mois de novembre.
Pascale Zonszain
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