Les hasards du calendrier : la visite de Naftali Bennett cette semaine en Egypte coïncidait à quelques jours près avec deux autres événements qui sont resté dans l'histoire, en tout cas pour le calendrier hébraïque : la guerre de 1973 et l'assassinat d'Anouar al Sadate en 1981. Dans les deux cas, il s'agissait de la proximité avec le jour de Yom Kippour. En 1973, l'Egypte, la Syrie et une coalition arabe lançaient la guerre contre Israël. En 1981, Israël était en paix avec l'Egypte, mais c'est celui qui avait signé la paix deux ans plus tôt qui tombait sous les balles des islamistes, justement pour cette raison.
Et voilà qu'en 2021, le Premier ministre israélien est reçu avec tous les égards par le président égyptien Abdelfattah al Sissi. Pas de drapeaux d'Israël dans les rues, mais un drapeau d'Israël à côté du drapeau égyptien derrières les deux hommes d'Etat. Et cette seule image de leur rencontre à Sharm el Seikh est en soi un événement, quand on sait que la réception du dirigeant israélien a été diffusée par la télévision égyptienne et fait l'objet d'un communiqué officiel.
Non seulement le président al Sissi n'a pas cherché à dissimuler l'entrevue, mais il a multiplié les manifestations d'amitié à son hôte israélien. Même si l'Egypte ne marquera que dans trois semaines l'anniversaire de ce qu'elle considère la victoire de 1973 sur Israël, c'est un contraste singulier avec la froideur habituelle de ses dirigeants à l'égard des Israéliens. Ce n'est pas la personne de Naftali Bennett qui est la raison de cet engouement, mais bien ce qu'il représente. Israël est devenu un partenaire stratégique de l'Egypte, mais aussi de la Jordanie et des Etats du Golfe, face à l'Iran. Israël est aussi un interlocuteur important pour l'Egypte dans la mesure où il a l'oreille des Etats-Unis. Et pour le maréchal al Sissi, ce point est capital. Le président égyptien a absolument besoin du président Biden sur deux dossiers : celui de son contentieux avec l'Ethiopie sur la construction du barrage sur le Nil, et sur celui de l'aide militaire américaine qui pourrait être réduite de près de la moitié, si l'Egypte ne se met pas en conformité avec les critères américains en matière de droits humains. C'est pour toutes ces raisons que le président al Sissi a déroulé le tapis rouge à Naftali Bennett, lors de sa visite le 13 septembre.
On est loin de l'exercice diplomatique imposé, mais aussi de la froideur de façade qui caractérisait jusqu'ici les rencontres avec les leaders israéliens, quand la cordialité était réservée à la coulisse. Et ce n'est pas uniquement parce que l'Egypte a besoin d'Israël. La réciproque est aussi vraie, puisque le Caire joue toujours un rôle actif auprès du Hamas pour trouver une voie vers la désescalade et si possible la consolidation de la trêve avec Israël.
C'est donc plutôt une maturation dans les relations bilatérales. Même s'il reste encore un long chemin à parcourir, on n'est plus tout à fait dans la paix froide qui a prévalu au cours des quatre décennies écoulées. Egypt Air, la compagnie aérienne nationale ouvre même une ligne de quatre vols hebdomadaires entre le Caire et Tel Aviv, jusque-là opérée par sa filiale Air Sinaï. Ça commence à ressembler à un début de normalisation. Peut-être l'effet retard des accords d'Abraham.
Pascale Zonszain
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