Au mois de novembre, elle se retirera du pouvoir après seize années passées au poste de chancelière.
Son bilan – entaché pour certains par l’accueil, en Allemagne, de centaines de milliers de réfugiés du Moyen-Orient et par sa politique d’austérité fiscale imposée au reste de l’Union européenne – est mitigé dans son propre pays. Mais pour le président de la Conférence des rabbins européens, Pinchas Goldschmidt « elle aura été une alliée constante, pas seulement dans les paroles mais aussi par le biais d’actions décisives ». Même constat à la JTA de Josef Schuster, président du Conseil central des Juifs d’Allemagne. Quant à Charlotte Knobloch, survivante de la Shoah qui est aujourd’hui à la tête de la communauté juive de Munich, elle se dit « profondément triste de voir la chancelière Angela Merkel quitter la scène politique ».
Accueil des réfugiés
Selon les statistiques officielles, un nombre relativement peu important d’incidents antisémites ont été perpétrés par des personnes venues en Allemagne pendant la crise migratoire qui a commencé en 2011. La crainte de l’extrême-droite, ainsi que de l’attitude antisémite de certains musulmans allemands, s’est tellement renforcée que certains Juifs s’interrogent sur leur avenir en Allemagne. D’autres reprochent à Merkel ce nouveau climat d’inquiétude. « Il y a encore huit ans, j’avais voté pour elle. Mais ça a été une grosse erreur », a expliqué Pavel Feinstein, un artiste âgé de 61 ans et père de trois enfants, qui habite Berlin. « Je réfléchis à l’alyah », a-t-il ajouté. « J’ai le sentiment que le malaise grandit lentement mais sûrement et je ne vois pas de perspective d’amélioration de la situation en raison du développement démographique », a-t-il déclaré, faisant référence aux centaines de milliers de musulmans arrivés en Allemagne. « Et c’est Merkel qui en endosse la responsabilité. »
Extrême-droite
Même si le parti populiste de droite de l’AfD et le Parti vert, plus progressiste, se sont nourris des faux pas qu’a pu faire la CDU. Elle reste néanmoins largement considérée comme une dirigeante qui se sera battue pour les causes juives. L’AfD se dit pro-israélienne et son programme évoque les « racines judéo-chrétiennes et humanistes de notre culture », des Juifs figurent parmi ses partisans – un membre de la communauté a notamment été candidat au Parlement à Berlin sous ses couleurs. Mais certains de leaders de l’AFD ont prôné l’abandon de la rhétorique de repentance devenue la norme en Allemagne suite à la défaite du pays lors de la Seconde Guerre mondiale et au traumatisme laissé par la Shoah. La formation a également entraîné des controverses impliquant la présence d’antisémites et de néo-nazis dans ses rangs. Le Conseil central des Juifs, en Allemagne, a vivement recommandé aux citoyens de ne pas voter pour l’AfD, qualifiant le mouvement de « foyer de l’antisémitisme, du racisme et de la misanthropie ».
Sur l’antisémitisme et sur Israël
Malgré tout, Merkel a été l’une des porte-paroles de la lutte contre l’antisémitisme. Au cours de son mandat, les gouvernements fédéraux et de l’État allemands ont tous désigné des envoyés chargés exclusivement de contrôler et de combattre la haine antijuive. Après l’attentat de Halle, près de Berlin, en 2016, où un homme armé avait prévu de commettre un massacre – ce membre de l’extrême-droite allemande n’était finalement pas parvenu à pénétrer dans la synagogue, bondée en cette journée de Yom Kippour, et avait alors tué deux personnes qui se trouvaient aux abords d’un restaurant vendant des kebabs – le gouvernement fédéral allemand avait donné une enveloppe de 26 millions de dollars supplémentaires aux Juifs allemands pour pouvoir assurer leur sécurité. La CDU a garanti l’adoption d’une résolution à la chambre basse du Parlement allemand qui avait défini le mouvement anti-israélien BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) comme un mouvement antisémite – un point de vue partagé par de nombreux Juifs allemands. Et la même année, en 2019, son gouvernement a aussi alloué 66 millions de dollars pour effectuer des travaux de conservation dans l’ancien camp de la mort nazi d’Auchwitz-Birkenau, en Pologne. Au cours d’une visite réalisée cette année-là – la première qu’elle effectuait en tant que chancelière -, Merkel avait dit ressentir une « honte profonde » face à ce que ses compatriotes avaient fait subir aux Juifs avant et pendant la Shoah.
ES
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