Comme toujours, il suffit d'une petite phrase. En l'occurrence, celle qu'a prononcée le Premier ministre israélien, cette semaine, devant la conférence annuelle du quotidien en langue anglaise Jerusalem Post. "Israël sans une dimension religieuse, ne serait pas Israël, parce que nous somme l'Etat juif. Je suis heureux qu'il y ait des ultra-orthodoxes. Mais nous devons limiter leur influence politique" a déclaré Naftali Bennett. On peut considérer que le Premier ministre israélien est cohérent avec ses positions, puisque son gouvernement de coalition et de rotation, ne comprend pas de partis orthodoxes. Le parti ashkénaze Yaadut HaTorah et le parti séfarade Shass sont en effet restés fidèles à leur alliance avec le Likoud de Benyamin Netanyahou et siègent aujourd'hui dans l'opposition.
Plus de portefeuille ministériel, plus de présidence de la commission des Finances de la Knesset. Pour les deux partis ultrareligieux, qui comptent ensemble 16 sièges au parlement israélien, c'est évidemment un échec, alors qu'ils ont été de presque toutes les coalitions gouvernementales au cours des 50 dernières années. Ils ont même brièvement participé au premier gouvernement du pays, le temps de consolider le fameux statu quo qui devait leur assurer l'autonomie de leur système éducatif, des dérogations pour le service militaire, la sanctuarisation du respect du Shabbat et le contrôle sur les questions religieuses, telles que le statut personnel et la cacherout. Et si le paysage politique ultra-orthodoxe s'est modifié au fil des années, de par son évolution démographique interne, qui a aussi vu l'émergence d'une représentation séfarade à partir des années 80, il a toujours fait partie intégrante de l'échiquier politique israélien.
C'est d'ailleurs plus avec les sionistes religieux qu'avec les laïcs que les ultra-orthodoxes ont connu des frictions politiques. Parce que leurs visions respectives de l'Etat d'Israël et du nationalisme juif s'opposent. Pour le courant dont est issu Naftali Bennett, les piliers sociétaux du judaïsme israélien ne doivent pas être laissés aux mains des seuls ultra-orthodoxes. Et quand le Premier ministre israélien parle de "réduire leur influence", il pense justement à la définition de la judéité et de la conversion, aux autorités de contrôle de la pureté alimentaire et en général aux institutions rabbiniques, autant d'institutions qu'il souhaite réformer. Naftali Bennett l'avait annoncé dans son programme de gouvernement et certaines mesures devraient déjà apparaitre dans la Loi de Finances qui doit être votée dans les prochaines semaines.
On comprend donc que les partis orthodoxes n'aient pas du tout apprécié la petite phrase de Bennett. Ils lui ont rappelé qu'il avait su lui aussi s'appuyer sur leur soutien politique quand il avait siégé dans les gouvernements Netanyahou, à l'exception de celui où les partis harédim étaient restés dehors entre 2013 et 2015, quand Bennett avait passé sa première alliance avec Yaïr Lapid. Le patron du Shass, Aryé Derhy a appuyé sur le point sensible en qualifiant Naftali Bennett de "Premier ministre illégitime avec son parti de six sièges, qui plonge encore dans les sondages et qui veut limiter l'influence de partis qui représentent un million de personnes". On peut s'attendre à ce que les harédim ne se rendent pas sans combattre face aux réformes que souhaite Naftali Bennett pour le judaïsme israélien.
Pascale Zonszain
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