Ayelet Shaked ces jours-ci, est sur tous les fronts. Lundi, lors des cérémonies de commémoration de l'assassinat d'Itzhak Rabin, la ministre de l'Intérieur s'insurge contre les propos de Yaïr Lapid, son collègue des Affaires étrangères, quand il affirme que sans l'investiture du gouvernement de coalition actuel, ce seraient les descendants idéologiques d'Yigal Amir, l'assassin de Rabin, qui siègeraient au gouvernement. C'est encore Ayelet Shaked qui se positionne publiquement contre le texte de loi que prépare son collègue de la Justice, Gideon Saar en vue d'empêcher un autre mandat de Benyamin Netanyahou à la tête de l'exécutif israélien. "Ce n'est pas au Procureur général de décider qui peut être Premier ministre", affirme Ayelet Shaked pour dénoncer la réforme qui prévoit qu'un élu inculpé pour un délit passible de plus de trois ans de prison, ne pourra pas former un gouvernement. C'est toujours Ayelet Shaked, qui ne cache pas ses réserves sur le projet de régularisation de plusieurs localités bédouines dans le Néguev, réclamé par le parti islamiste Ra'am, qui fait pourtant partie de la coalition. Et ce ne sont que quelques-unes des prises de position de la ministre de l'Intérieur. Au moment où Naftali Bennett demande expressément à ses ministres de ne pas "secouer la barque" du gouvernement, alors qu'il a absolument besoin du vote du budget par la Knesset avant le 14 novembre, les saillies d'Ayelet Shaked ont de quoi lui causer des sueurs froides.
Et pourtant, sans elle, il ne serait probablement pas aujourd'hui le chef du gouvernement israélien. Leur carrière politique, ils l'ont commencée et construite ensemble. Depuis cette année 2007, où Ayelet Shaked a recruté Naftali Bennett au cabinet de Benyamin Netanyahou, alors chef de l'opposition. Et c'est ensemble, deux ans plus tard, qu'ils ont quitté le staff de Netanyahou, moitié démissionnaires, moitié poussés dehors. C'est toujours ensemble, que Shaked et Bennett fondent en 2018 leur parti de la Nouvelle Droite. Aux deuxièmes législatives de 2019, Naftali Bennett cède la place à Ayelet Shaked en tête de liste, mais reprend la direction quand le parti échoue à franchir le seuil de représentativité à la Knesset.
S'ils semblent les deux faces d'une même médaille, Naftali Bennett et Ayelet Shaked sont pourtant différents sur bien des points. Bennett est religieux, alors que Shaked est laïque. Bennett se revendique du courant religieux sioniste, mais a toujours voulu rallier un public plus large, quitte à aller contre certaines positions de son cadre politique. Shaked est beaucoup plus idéologique et n'a jamais fait de concessions sur sa vision de droite nationaliste.
D'où la question qui taraude en ce moment les acteurs et les observateurs de la scène politique israélienne. Ayelet Shaked est-elle en train de se préparer une sortie ou sert-elle de vitrine idéologique à Bennett, tenu à la neutralité pour maintenir sa coalition ? Certains évoquent un passage au Likoud de la numéro deux de Yamina. Il est vrai qu'elle avait déjà été courtisée par le parti conservateur, pour qui elle serait un atout. Ayelet Shaked veille d'ailleurs à ne pas à ne pas se mettre à dos le parti de Netanyahou. La binôme de Naftali Bennett a un plan de carrière et des ambitions, mais aussi un sens politique particulièrement aiguisé. Reste à savoir si elle a commencé à voler en solo.
Pascale Zonszain
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