Une maladie peut être tout à fait bénigne pour le médecin et pourtant empoisonner la vie du patient, c’est précisément le cas du syndrome de l'intestin irritable, que nous assimilions volontiers aux affections psychosomatiques car les examens pratiqués étaient ou sont le plus souvent négatifs ou non contributifs. Mais d’après des études récentes, ce syndrome de l'intestin irritable aurait en réalité pour origine des altérations organiques : troubles de la motilité intestinale, hypersensibilité viscérale, anomalies dans le contrôle de la douleur.
Même si la moitié des patients attribue ses symptômes au stress ou à un conflit psychique, nous sommes de – en – convaincus que le SII soit strictement psycho-somatique. Face à une maladie dont nous n’arrivons pas à expliquer les symptômes, nous avons parfois tendance en médecine, à remplacer notre ignorance par une affirmation de facilité, type : « C’est dans la tête ». Ce qui a longtemps été le lot de la colopathie fonctionnelle.
Le syndrome de l'intestin irritable toucherait entre 5 à 15% de la population occidentale, des dames plus souvent que des messieurs. Il débute volontiers dans l’adolescence avec une fréquence maximale entre 20 et 40 ans, évolue par périodes de poussées et de rémission, puis diminue généralement avec le temps, sans qu’on sache vraiment pourquoi mais sans qu’on s’en plaigne.
Celui-ci repose sur l’association d’une douleur abdominale présente depuis plus de 3 mois, survenant au moins une fois par semaine, accompagnée d’une modification de l’aspect, la consistance et la fréquence des selles (diarrhée le plus souvent, parfois constipation, ou alternance des 2) et d’un soulagement notable après leur émission. En l’absence d’une complication ou de signes d’alarme (perte de poids inexpliquée, rectorragie ou sang noir dans les selles, découverte d’une masse abdominale, anémie), cela suffit au diagnostic, sans qu’il soit nécessaire de pratiquer des examens complémentaires, en particulier une coloscopie. Et si celle-ci est néanmoins réalisée et normale, pas besoin de la répéter, on peut ensuite contenter d’un hémoccult (recherche de sang dans les selles) tous les 2 ans, entre 50 et 74 ans.
Les examens complémentaires ne sont pas totalement inutiles. Ils permettent d’éliminer une affection grave (maladie coeliaque, maladie de Crohn), ce qui n’est pas rien. Et la consultation sert à évaluer le retentissement volontiers majeur, de ces troubles sur la qualité de vie, notion à laquelle nous sommes de plus en plus attachés.
Le régime sans fodmaps, ces sucres contenus dans certains aliments, dont raffolent les bactéries et qui fermentent désagréablement dans l’intestin, est souvent efficace… au moins au début. Et bien entendu, nous conseillons de manger lentement, dans le calme, sans rien faire d’autre (TV, radio, ordi), en choisissant bien ses aliments et en les mâchant longuement.
Il n'existe pas de traitement curatif, nous ne disposons pas d’un médicament qui guérit radicalement et spécifiquement cette pathologie. Le traitement est principalement palliatif, consistant en la prescription d’antispasmodiques et de régulateurs du transit (constipants ou laxatifs suivant les cas) qui diminuent la fréquence et l’intensité des symptômes. Certaines souches de probiotiques, Bifidobacterium infantis et Lactobacillus plantarum semblent intéressantes et prometteuses. Et l’huile essentielle de menthe poivrée, LA plante de la digestion, 1 goutte après chaque repas, mérite d’être essayée.
On dit qu’avoir quelque chose dans le ventre est une qualité mais quand il s’agit du syndrome de l'intestin irritable, c’est plutôt un défaut ou un handicap, fort heureusement, peu grave, accessible à une meilleure hygiène de vie… et souvent spontanément résolutif avec l’âge… qui finalement n’a pas que des défauts.
Docteur Serge Rafal
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