Ce qui parait aller de soi dans toute démocratie parlementaire qui se respecte, était presque devenu de la science-fiction en Israël : le vote d'une Loi de Finances. Depuis le budget adopté en 2018, il aura fallu 4 élections législatives pour finalement mettre en place une coalition capable de remettre le train budgétaire sur ses rails. On peut comprendre l'euphorie qui a saisi les députés de la majorité après le vote final, le 5 novembre, un peu après 3 heures du matin et plus de trois jours de débats. On peut comprendre aussi la conférence de presse convoquée samedi soir par Naftali Bennett, entouré de Yaïr Lapid et Avigdor Liberman. Le chef du gouvernement israélien, le Premier ministre suppléant et le ministre des Finances se devaient de marquer le coup. Le passage des Lois de Finances 2021 et 2022 s'était déroulé presque sans faute. Il n'y a pas eu de désertion dans les rangs de la majorité et les partis de la coalition ont réussi à mettre leurs divergences idéologiques de côté.
Mais en Israël, la politique n'aime pas le sur-place. D'accord, la première mission a été remplie avec succès, on ne va pas passer Hanouka là-dessus. Et donc, c'est maintenant, presque 5 mois après son investiture, que le gouvernement Bennett peut commencer à travailler. Et si les différents ministères ont désormais les moyens d'appliquer leurs décisions et de mettre en œuvre leurs programmes, il faut aussi s'atteler au programme de politique générale de la coalition, celui pour lequel chacun des partis avait posé ses propres conditions. Plusieurs réformes vont mettre à l'épreuve la cohésion de la coalition et ses facultés de compromis. Un des premiers tests pourrait être le projet de loi présenté par le ministre de la Justice Gideon Saar, qui veut interdire à un député sous le coup d'une inculpation grave – passible de plus de trois ans d'emprisonnement – de former un gouvernement. Le texte vise clairement à empêcher tout retour de Benyamin Netanyahou à la tête de l'exécutif et a d'ailleurs déjà été surnommé "Loi Netanyahou". Deux élus du parti Yamina de Bennett, n'ont pas caché leur opposition au projet de loi. Et le parti islamiste Ra'am reste ambigu sur la question.
Le projet de réforme de la loi sur la citoyenneté, porté par la ministre de l'Intérieur Ayelet Shaked pourrait aussi créer des tensions au sein de la coalition, notamment du côté des partis de gauche, même s'il pourrait être soutenu par l'opposition. Le Meretz et le parti Travailliste pourraient quant à eux avoir de sérieuses difficultés à trouver une majorité sur leur projet de réforme des relations entre la religion et l'Etat, qui risque de se heurter aux élus religieux sionistes du parti de Naftali Bennett et peut-être aussi à ceux du parti islamiste de Mansour Abbas.
Et puis, il y a aussi le chapitre diplomatique ou des dossiers à implications diplomatiques, comme par exemple, la construction dans les implantations et dans l'est de Jérusalem, soutenue par l'aile droite de la coalition mais critiquée par la gauche, qui reste favorable à une reprise des négociations avec les Palestiniens. Sans parler de la réouverture annoncée par les Etats-Unis d'un consulat à Jérusalem. Naftali Bennett a promis une nouvelle ère de stabilité politique pour Israël. C'est maintenant que les choses sérieuses commencent.
Pascale Zonszain
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