Ce procès si important a été l’occasion de faire le constat de la violence, de la haine, de l’antisémitisme qui, a déclaré d’emblée l’Avocat général, était à la "source" de cette affaire terrible. Pas de suspense inutile dans la démonstration qu’ entend dérouler dans son réquisitoire au nom "de l’intérêt général" en direction du jury populaire qui siège dans ce procès d’assises.
"Le bruit et la fureur" de l’audience vont faire "place à la réflexion et au jugement". En tant que citoyen, explique-t-il aux jurés "il s’est venu le temps de nourrir sa réflexion fondée sur l’intérêt général. Face à la cour d’assises, l’avocat général s’est donc employé à guider les jurés, se faire pédagogue avant qu’ils ne soient "tirés par la manche" par la défense vers "d’autres terrains". "Moi, je veux vous emmener dans le dossier, les faits, les preuves!", a lancé le magistrat en robe rouge. Lorsque vous serez interrogés sur l’antisémitisme, bien sûr qu’il faudra répondre "oui!" Pour ce crime "particulièrement sauvage", dans un "halo antisémite".
Comme l’a dit aussi, la veille, l’avocat de la famille Knoll, Maître Gilles-William Goldnadel , "la mort de Mireille Knoll repose sur les épaules de Yacine Mihoub", annonce Jean-Christophe Muller: il est "le seul auteur" et ses manifestations d’antisémitisme sont "nombreuses". "Si vous aviez lu Le Journal d’Anne Frank, qu’on a trouvé à votre domicile, vous auriez peut-être vu, dans le regard de Mireille Knoll que vous portiez sur son lit avant de la poignarder, le même regard qu’Anne Frank, au bruit des bottes dans la maison où elle était cachée", avance l’avocat général en s’adressant à Yacine Mihoub, qui garde la tête posée sur ses bras croisés, peu ému. Le magistrat, cite un des livres trouvés dans une liste ou l’on trouvait Mein Kampf .Comment "avoir été formé à l’école de la République et en être réduit à ce ressassement de théories superficielles empoisonnées nourries des réseaux sociaux, qu’est-ce que cela questionne du socle des valeurs sur lequel notre société est construite?"
Et le procureur d’ajouter à l’adresse des jurés "Le chemin qui sillonne cette réflexion est sinueux et complexe car rien n’a été fait de la part des accusés pour en faciliter la compréhension." Pendant l’enquête et tout au long du procès, les deux accusés ont livré des versions contradictoires, s’accusant l’un l’autre du meurtre, et surtout, comme leurs avocats rejetant toute accusation d’antisémitisme. "Par exemple, M. Mihoub nous dit que, ce 23 mars 2018, Mme Knoll s’est levée seule de son fauteuil, a pris son déambulateur et est allée s’allonger sur son lit dont les barrières étaient relevées". Mais toutes les personnes qui connaissaient Mireille Knoll sont venues nous dire à la barre qu’elle était incapable de toute forme de mobilité. Donc quand Yacine Mihoub dit ça - sa version étant qu’Alex avait rejoint la vieille dame dans sa chambre pendant que lui fumait dans le salon, il ment."
Autre "élément d’invraisemblance" : c’est l’arme du crime. "La thèse de Mihoub est qu’il aurait vu Alex Carrimbacus prendre un couteau dans la cuisine. Mais lors de la reconstitution, il désigne le seul endroit de la cuisine où il n’y en a aucun!" la thèse de Yacine Mihoub lorsqu’il désigne Alex Carrimbacus ne tient pas non plus. La peine de prison à perpétuité est requise pour l’homme de 32 ans avec 18 ans de sureté.
Pour le ministère public , il n’est "ni complice, ni coauteur du meurtre" mais par "contamination", son caractère antisémite "lui est également imputable", car Alex Carrimbacus a assisté (il ne peut pas l’avoir inventé), chez Mme Knoll, à la discussion entre la rescapée de la Shoah et son voisin, à propos de la guerre et des Juifs qui seraient fortunés LES JUIFS ET L’ARGENT. Mais "il a volé une morte dont le cadavre était encore chaud! a lâché le magistrat. Il est aussi complice de l’incendie de l’appartement". Pour ce jeune SDF, déjà condamné à 9 reprises, Jean-Christophe Muller demande une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle pour vol aggravé, avec une période de sûreté de neuf ans.
Trois ans d’emprisonnement ont été requis à l’encontre de la mère de Yacine Mihoub, Zoulikha Khellaf. Elle est accusée d’avoir jeté la bouteille de porto, le verre, le téléphone de Mireille et nettoyé le couteau utilisé pour tuer Mireille Knoll. Pour l’avocat général "elle incarne le cynisme! Il est possible d’affirmer avec certitude qu’elle n’ignorait rien d’un crime ou d’un délit. Alors que le feu était à la maison, au propre comme au figuré, la seule urgence pour elle était d’aller jeter une bouteille de porto et de nettoyer un couteau…"
L’ avocat général s’adresse aux jurés "ne tremblez pas , appuyez-vous sur la loi pour répondre aux questions que la cour va vous poser" "Nommer les choses, redonnez aux faits leur qualification : la vulnérabilité et l’antisémitisme.
Un an après l’assassinat de Sarah Halimi , le débat sur l’antisémitisme des quartiers islamisés avait été relancé par cette fameuse déclaration le 28 mars 2018 du président Macron. "Mme Knoll a été assassinée parce qu’elle était juive", avait affirmé le président de la République Pour l’avocat général cette déclaration était justifiée et de conclure avec émotion a "dans quelques années, il n’y aura plus personne qui pourra témoigner de ce qu’a connu Mme Knoll dans son enfance... Votre décision sera commentée. Elle servira à la restauration de l’équilibre social. Elle permettra, espérons-le, que Mireille Knoll soit la dernière victime française de l’antisémitisme." Le verdict est attendu dans la journée.
Michel Zerbib
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