La nuit de cristal, la chronique de Richard Prasquier

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La nuit de cristal, la chronique de Richard Prasquier
(Crédit: DR)

Le 9 novembre était une date majeure dans le calendrier nazi, où on célébrait le putsch de la Brasserie de 1923. Les dirigeants se retrouvaient à Munich et dans le pays les militants se rassemblaient pour commémorer et pour boire. Mais la nuit du  9 au 10 novembre 1938 fut particulière:  des centaines de synagogues furent brûlées et  8000 magasins juifs détruits.
Le terme de Nuit de Cristal, Kristallnacht, est un euphémisme, car il n’y eut pas que des vitrines qui furent brisées. Plusieurs centaines de Juifs furent tués  ou se suicidèrent de désespoir. 30 000 hommes, envoyés à Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen y furent humiliés de façon abjecte et 2000 y moururent.

L’opération avait été soigneusement planifiée. Les instructions de Goering, Goebbels et Heydrich étaient répercutées aux échelons locaux du parti et de la police. Depuis le déchaînement antisémite en Autriche en mars, les exactions contre les Juifs avaient empiré dans le Reich, mais il fallait une action spectaculaire pour les pousser à fuir en abandonnant leurs biens. Un pogrom faisait l’affaire.

Le 9 novembre, on apprit la mort à Paris du conseiller de  l’Ambassade d’Allemagne sur lequel avait tiré un jeune juif. Sous prétexte que Herszel Grynszpan était le bras d’une juiverie mondiale qui aurait déclaré la guerre à l’Allemagne, Goebbels fit passer  cette nuit de terreur  pour une  flambée de colère populaire. Personne ne fut dupe.

La vie des Juifs d’Allemagne devint un enfer. Ils furent bannis  des lieux publics, durent quitter leur profession et abandonner  leurs propriétés à un prix de misère, ce dont profitèrent entre autres les grandes firmes allemandes. Ce fut aux Juifs, par une amende collective, de payer les dégâts matériels. Aucun meurtrier ne fut poursuivi si son mobile était la  haine « légitime » et pas l’appât du pillage: car  les nazis se vantaient de leur haute moralité….

Il y eut quelques gestes d’humanité mais plutôt des récriminations devant le gâchis matériel. Il y eut une protestation, celle de Bernhardt Lichtenberg, un prêtre de Berlin. Ce fut la seule. Il y eut aussi des propositions ignobles, telle celle du recteur de l’Université de Heidelberg d’effacer des monuments  le nom des soldats juifs tués lors de la Première guerre mondiale parce qu’ils souillaient les noms de leurs voisins aryens. ….

Dans toute l’histoire du nazisme, la Nuit de Cristal est le seul événement impliquant les Juifs qui fit les gros tires des journaux. Certains pays protestèrent. Pas la France. Le Ministre Georges Bonnet reçut avec empressement  son homologue Ribbentrop pour signer un accord et discuter de la question juive qui le préoccupait lui aussi. De la 3e à la 5e République, en passant par Vichy, le radical Georges Bonnet est le modèle de ces politiciens misérables qui ont surnagé dans tous les régimes.

En 1938 tout avait réussi à Hitler: l’annexion de l’Autriche en mars, celle des Sudètes en octobre. Il se préparait à annexer le reste de la Tchécoslovaquie avec ses usines d’armement; l’Italie fasciste le secondait et Franco gagnait la guerre civile.

Les démocraties étaient tétanisées par le coût humain de leur victoire de 1918 alors que l’Allemagne était ivre de revanche d’une défaite que Hindenburg avait attribuée à un coup de poignard dans le dos.
L’Anschluss avait poussé  de nombreux Juifs autrichiens à partir, mais aucun pays ne voulait les recevoir. La Conférence d’Evian  l’avait montré de façon cuisante en juillet 1938.

Les démocraties déploraient, certes, que la situation des Juifs allemands devienne intenable, mais aucune d’entre elles n’infléchit sa politique migratoire après la Nuit de Cristal. En mai 1939, le Saint Louis, rejeté de Cuba, n’eut pas le droit d’accoster aux Etats Unis qui s’en tenaient aux maigres quotas mis en place en 1924, et dut retourner en Europe. Roosevelt préparait sa candidature à une troisième présidence, une première dans l’histoire américaine, et ne voulait pas heurter  la majorité des électeurs qui refusaient des réfugiés supplémentaires. Le même mois fut publié le troisième Livre Blanc limitant drastiquement l’immigration juive en Palestine. Les Anglais tentaient d’amadouer le monde musulman, inquiets de la propagande que le nazisme y menait.

Les Juifs, qu’on représentait si souvent comme à la tête aussi bien  de l’emprise capitaliste que de la subversion communiste, n’étaient en réalité qu’une variable d’ajustement dans la politique mondiale. C’est cela que le sionisme voulait modifier. A juste titre...

Richard Prasquier

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