L'ancien ministre de l'Intérieur et Premier ministre témoigne sans notes. Ce procès témoigne de "la capacité de la France à demeurer debout dans les épreuves", dit-il d’un ton calme et la diction parfaite. Bernard Cazeneuve s’est présenté à la cour mercredi pour témoigner de ce que fut "mon action et pour que ces crimes ne se reproduisent pas et je partage un sentiment que les français ont eu en partage : le chagrin".
Comme nous, Bernard Cazeneuve dit avoir été très impressionné par la force des témoignages … par la dignité des propos tenus par les victimes, par leur profonde humanité et l’ancien ministre de dire sa gratitude envers les policiers tués par les terroristes, citant notamment Ahmed Merabet ou Arnaud Beltrame, ainsi qu'à l'égard des forces de l'ordre qui ont neutraliser les derniers kamikazes le soir du 13-Novembre.
Bernard Cazeneuve revient sur l'état de la menace terroriste à sa prise de fonction place Beauvau "oui notre pays était une cible privilégiée de Daesh". Il confirme que la France était une cible bien avant que les frappes de la coalition internationale en Irak et en Syrie ne commencent.
Bernard Cazeneuve a livré quelques chiffres de la menace du terrorisme islamiste, toujours de tête. A la veille des attentats, 941 terroristes étaient particulièrement suivis par les services de renseignement, dont la moitié incarcérés et une quarantaine sous contrôle judiciaire, 570 personnes se trouvaient sur le théâtre irako-syrien, 141 étaient morts là-bas, et 700 autres Français étaient connus pour vouloir partir sur zone.
Dès avril 2014, Bernard Cazeneuve doit faire face à "à l’angle mort" qu'est la coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme avec un "un dispositif de contrôle aux frontières de l’Union Européenne insuffisant".
Le 31 août 2014, il rencontre avec ses homologues européennes pour les convaincre de mettre en place le PNR, le fichier européen antiterroriste pour les passagers aériens, afin que ceux qui reviennent de la zone irako-syrienne "soient mis hors d'état de nuire". Mehdi Nemmouche a pu revenir en Europe pour commettre l'attentat de Bruxelles, après avoir voyagé sur des zones de combat.
Si l’ancien ministre de l'Intérieur rend hommage "à ceux qui sont intervenus dans les premières secondes". Il est obligé de revenir sur les polémiques de ce sujet.
Sur le fait que d'autres forces auraient pu intervenir plus tôt au Bataclan: "on ne peut pas faire intervenir dans une prise d’otages une unité qui n’est pas formée pour ça". Il ajoute que les soldats de l'opération Sentinelle n'ont pas été formés à cela "nous avions 11.000 sites protégés par l'opération Sentinelle, mais nous étions aussi obsédés par les 77.000 écoles primaires, plus les 3000 lieux de cultes."
Le ministre était il au courant des menaces qui pesaient sur le Bataclan ?
"Je n'ai jamais été destinataire d'une note m'informant d'une menace présente sur une quelconque menace sur le Bataclan. Il est évident que si j'avais été alerté, j'aurais pris des dispositions pour sécuriser le lieu."
Francois Mollins l’ancien procureur devra répondre un peu plus tard à une même question d’un avocat des parties civiles Axel Metker qui évoque une vidéo de menaces violentes sur la salle en 2009. "Je ne connais pas cette vidéo", a t-il répondu. Le président a objecté que c’était bien avant les faits …Radio J est en mesure de la montrer. Le suivi des radicalisés est «une course contre la montre» a rappelé Bernard Cazeneuve. Un suivi de deux kamikazes qui n’a pas été très efficient.
Les questions des avocats se sont succédées. «Est-ce que vous avez des regrets sur la gestion de la crise ?», demande une juge assesseure.
"Il ne s’est pas écoulé un jour depuis les attentats sans que je ne me pose la question de savoir s’il y avait quelque chose que j’aurais pu faire et je n’ai pas fait, répond Bernard Cazeneuve. Cette question me hante en permanence. J’ai fait ce que j’ai pu, j’ai essayé de faire au mieux [mais] des attentats sont survenus, des vies ont été brisées, des Français sont inconsolables. … Je continuerai de m'interroger jusqu’à mon dernier jour."
L'avocat de Patrick Jardin, Me Ducrocq, souhaite savoir quelles pensées ont traversé l'esprit du ministre de l'Intérieur le soir des attaques: "En me rendant sur les lieux du Bataclan, je vois sortir après l'assaut une jeune femme dont le regard était perdu. J'éprouve ce qu'éprouvent tous les Français qui sont devant leur écran de télévision et sont au bord des larmes. Ce que j'ai éprouvé et ressenti n'est rien par rapport à la douleur insondable des familles. C'est pour ça que je suis toujours resté discret. Non pas par absence, mais au contraire car ces sentiments étaient de nature à me submerger."
"L'islamisme est un totalitarisme. C'est une idéologie totalitaire qui est destinée à priver de la liberté, de l'altérité, de la tolérance et de l'universalité des sociétés. Donc je n'ai jamais considéré qu'il pouvait y avoir des explications justifiant des crimes terroristes. Aucune explication au monde ne peut justifier qu'on ait la moindre complaisance à l'égard d'une idéologie qui a pour objectif, dans la plus grande violence, de semer la désolation." Pas de question de la défense après ce témoignage fort, humble et digne.
Michel Zerbib
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