Après le président Itzhak Herzog, c'est le chef du gouvernement israélien qui a pris son téléphone hier pour remercier personnellement Tayyip Erdogan d'avoir fait libérer les époux Oknin, les touristes israéliens qui sont rentrés jeudi matin après une crise qui se sera finalement réglée sans trop de difficulté. Mais cet épisode est un nouvel exemple de la diplomatie pour le moins difficile à décrypter du président turc. Israël n'est d'ailleurs pas le seul pays à être confronté à la politique étrangère problématique du président turc. Le mois dernier, Tayyip Erdogan n'avait pas hésité à menacer d'expulsion dix ambassadeurs occidentaux, dont ceux de la France et des Etats-Unis, qui avaient lancé un appel collectif à la libération d'un opposant au régime. La crise s'est finalement résorbée, mais le président turc semble tester les résistances de ses partenaires, en repoussant à chaque fois les limites. Ses alliés occidentaux ne souhaitent pas voir la Turquie sortir de l'OTAN, alors pourtant qu'Ankara défie l'organisation en achetant à la Russie son système de défense aérienne S400, ce qui lui a valu d'être évincé de la construction des chasseurs bombardiers F35, que les Etats-Unis ont d'ailleurs refusé de lui vendre. Et il reste aussi la possibilité qu'Erdogan décide d'une nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie contre les Kurdes, qui pourrait ajouter à la déstabilisation régionale. Et puis, on a aussi déjà évoqué la politique d'Erdogan en Méditerranée orientale autour de l'exploitation des champs gaziers, dont il veut sa part.
Autant de facteurs de crise qui préoccupent la communauté internationale. Surtout considérant que, comme il le fait souvent en période de crise intérieure, Erdogan utilise la politique étrangère comme une diversion pour exacerber le sentiment national de son opinion. Et le président turc a besoin de faire remonter sa cote de popularité qui subit le contrecoup de la crise économique qui frappe son pays, avec la monnaie nationale en chute libre. Israël est donc logé à la même enseigne que les pays occidentaux qui hésitent entre fermeté et conciliation, sans être sûrs des limites du président turc, qui affirme toujours que la "marche arrière" n'entre pas dans son fonctionnement politique.
Tayyip Erdogan a envoyé depuis quelques mois des signaux pouvant indiquer qu'il souhaitait se rapprocher de Jérusalem. Mais peut-être n'étaient-ils pas assez clairs. Et surtout ses objectifs restent ambigus. A-t-il besoin d'Israël pour se réconcilier avec ses voisins européens ou avec les Etats-Unis ? Est-ce que son changement de cap est durable ou bien va-t-il encore bifurquer au prochain incident sur le Mt du Temple ou à la frontière de Gaza et reprendre ses diatribes anti-israéliennes si elles servent son prestige intérieur ou régional ? Tant que ses intentions resteront floues, Israël devra avancer avec prudence vers le président turc.
Pascale Zonszain
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