Qui étaient ces trois terroristes qui, ce soir du 13 novembre qui ont commis cette effroyable et inimaginable tuerie dans la salle du Bataclan ? Et comment ces trois hommes nés en France ont pu se radicaliser et devenir des assassins de masse ? Ce sont ces questions qui ont été au cœur de l’audience. Là encore personne ne s’est présenté physiquement à la barre. Les auditions du jour ont lieu à distance via un écran comme jeudi. On ne verra ni le visage ni ne connaitra le nom des deux enquêteurs, juste leur voix. Enquête aussi longue, difficile que confidentielle. La reconstitution des parcours des tueurs, ce sont : l’identification (parfois plusieurs années), garde à vue des proches, échanges des intéressés sur les réseaux sociaux, fichier du renseignement, témoignages et informations récoltées sur le terrain comme les fiches d’enrôlement récupérées à Mossoul. Le tout après un travail de recoupement qui peut établir quelques certitudes.
Amimour est né en octobre 1987 à Paris, il a grandi à Drancy (Seine Saint-Denis) avec ses parents et ses deux sœurs. Des proches qui, après les attentats, ont tous été entendus par les policiers. Et c’est en bonne partie grâce à leur récit qu’ils ont pu retracer le parcours de Samy Amimour et son intérêt pour la religion largement construit sur Internet.
Sa sœur cadette a pour sa part confié que, devenu plus âgé, il pouvait se montrer impulsif avec leur mère qu’il n’hésitera pas à traiter de mécréante, explique l’enquêteur de la DGSI. À partir de 2010, le jeune homme commence à rejeter ses amis non musulmans, jette les bouteilles d’alcool qu’il trouve à la maison, visionne des vidéos d’Oussama Ben Laden. Ce qui occasionne des disputes avec son père lui aussi traité de mécréant. Amimour ce n’est pas du tout la misère comme on veut parfois nous faire croire .
Après avoir obtenu son bac littéraire puis être devenu chauffeur à la RATP, Samy Amimour s’inscrit à un stand de tir et tente en 2012 de partir en Somalie. Le projet n’aboutit pas et il est alors placé sous contrôle judiciaire. Aux policiers, il nie tout projet terroriste mais revendique le droit à un "djihad défensif". Finalement, c’est en septembre 2013 que Samy Amimour prend la route la Grèce en voiture pour rejoindre la Turquie puis la Syrie.
En compagnie d’Ismaël Mostefaï, le deuxième terroriste du Bataclan, qui, lui, est né à Courcouronnes (Essonne) en novembre 1985.
L'histoire de celui là est différente de la première car à la différence de Samy Amimour qui a découvert la religion en autodidacte, derrière son ordinateur, Ismaël Mostefaï a, pour sa part, grandi au sein d’une famille adepte d’un islam intégriste. À l’adolescence, le garçon s’illustre par divers actes de délinquance. Peu à peu, le jeune homme change lui aussi de comportement au sein de la famille. Il dit à sa jeune sœur comment elle doit s’habiller et lui "des claques" si elle n’obtempère pas. Alors que la famille est partie vivre à Chartres, Ismaël Mostefaï, fréquente des mosquées , sa radicalisation se fait plus classiquement
Dans le cas du troisième terroriste Foued Mohamed Aggad, c’est une radicalisation express car chez ce jeune homme né en Alsace, lui aussi petit délinquant à l’adolescence, tout va basculer durant l’été 2013. Il vit alors à Castres, il a une compagne et n’a pas vraiment de pratique religieuse. En juillet 2013, il repart en Alsace voir sa famille et revoit une de ses anciennes connaissances, un homme qui "recrute" pour la Syrie. Aggad devient de plus en plus intransigeant et violent, ne prenant que ce qu’il y a de plus extrémiste dans l’islam, explique l’enquêtrice de la DGSI en constatant que cette radicalisation s’est faite très vite». À peine six mois plus tard, Foued Mohamed Aggad est en Syrie où il est parti avec neuf autres Strasbourgeois.
Sur zone, Foued Mohamed Aggad, Samy Amimour, Ismaël Mostefaï, deviendront donc des "combattants" de l’État islamique avec des responsabilités diverses. Ismaël Mostefaï qui maîtrise l’arabe et a des connaissances idéologiques solides est rapidement considéré comme un leader. Un rôle qu’il continuera à assumer lors de l’attaque du Bataclan selon l’enquêteur de la DCRI..
Trois djihadistes qui, une fois en Syrie, garderont des contacts avec leurs proches. Sans leur dire tout à fait la même chose. Foued Mohamed Aggad envoie des photos où il pose avec sa kalachnikov ou aux côtés d’un drapeau de l’État islamique. "Il n’a jamais caché à sa famille son but de mourir en kamikaze", explique l’enquêtrice de la DGSI.
Alors que Samy Amimour, lui, appelle sa sœur aînée pour lui parler de Louis de Funès, des dessins animés de Walt Disney. Le djihadiste utilisera aussi les services de sa sœur cadette pour faire venir de France une jeune fille de 17 ans qui, une fois en Syrie, deviendra son épouse et la mère de son enfant.
L’histoire donc de trois hommes qui, à l’été 2015, quitteront la Syrie pour rejoindre l’Europe avec le flux des migrants et, après plusieurs semaines de planque en Belgique, reviendront le 12 novembre sur leur terre natale, la France Trois terroristes de 29, 28 et 23 ans qui, le lendemain, déchaineront leurs kalachnikovs avec une cruauté riante tels des SS, pour faucher 90 hommes et femmes. Des innocents qui avaient pour beaucoup sensiblement le même âge, simplement venus écouter un concert de rock par une douce soirée de novembre à Paris.
Michel Zerbib
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