Le premier des dix enquêteurs belges donc a témoigné du parcours de plusieurs protagonistes du dossier, devant un box clairsemé car quatre des accusés ont refusé de venir à l'audience, pour protester contre l'anonymisation et l'audition par visioconférence de ces enquêteurs.
Les auditions des enquêteurs belges qui doivent se succéder jusqu’au 9 décembre prochain pour retracer, notamment, les parcours des différents protagonistes des attentats du 13 novembre 2015. En fait il aura fallu plusieurs débats, une lettre du procureur fédéral belge, une audience en chambre du conseil - c’est-à-dire sans les accusés, la presse, le public - et une décision de la cour d’accéder à la demande des enquêteurs belges de témoigner anonymement et par visioconférence depuis Bruxelles, à visage découvert.
Ce sont les accusés eux-mêmes qui ont voulu peser dans ce débat jeudi. Alors qu’avocats, parties civiles, journalistes prenaient place dans la salle d’audience, trois accusés sont absents : Salah Abdeslam, Mohamed Abrini et Sofien Ayari. Ils refusent d’assister à l’audience, en protestation contre l’anonymisation des enquêteurs belges. Puis, c’est au tour d’Osama Krayem de quitter le box.
Olivia Rouen , l’avocate d’Abdeslam justifie le refus "un enquêteur autrichien se déplace et vient déposer 5 heures et vous l’admettez pour les Belges".
Le président acte l’absence des quatre accusés. L’audience peut reprendre enfin avec deux heures de retard.
Le premier enquêteur Belge, par écran interposé , commence par dresser le procès du plus célèbre et sinistre Abelhamid Abbaoud mort en Syrie
Abdelhamid Abaaoud est un proche des frères Abdeslam. Amicalement comme géographiquement d’ailleurs. En témoigne cette carte de Molenbeek que fait projeter l’enquêteur à l’audience. On y découvre, indiqué par des flèches, les domiciles des frères Abdeslam, d’Abdelhamid Abaaoud mais aussi d’un autre accusé de ce dossier, Mohamed Abrini ou d’un membre du commando des terrasses, Chakib Akhrouh.
"Pour moi c'est soit la victoire ou le martyr, dans les deux cas c'est toujours la victoire" la phrase est de Bilal Hadfi qui n’est pas de Molenbeek. Et c’est seul qu’il quitte le domicile familial, à pied, en mars 2015. Un vol pour Antalya, tout d’abord, quelques nuits dans un hôtel turc ensuite.
Il réapparaît en Syrie d’où il multiplie les publications sur les réseaux sociaux. On le voit ainsi vêtu d’un treillis militaire, bonnet noir sur la tête, l’index levé vers le ciel.
Il faut dire que Bilal Hadfi, plus jeune des assaillants du 13 novembre 2015, a à peine 20 ans et l’envie de mourir en Chahid . Celui qui pose encore fièrement avec, à la main, une kalachnikov meurt effectivement peu après en kamikaze, le 13 novembre 2015.
Sur la route des migrants , Bilal Hadfi est accompagné de Chakib Akrouh, raconte l’enquêteur belge. Ce dernier a rejoint la Syrie dès janvier 2013. Là, il rejoint le bataillon dit des émigrés, connu pour sa cruauté et qui regroupe de nombreux djihadistes étrangers. Plusieurs d’entre eux deviendront des membres des commandos du 13 novembre 2015. Dont Chakib Akrouh, un des trois tueurs des terrasses. Sur la vidéo de revendication des attaques par l’Etat islamique "apparait Akrou qui égorge un prisonnier" indique l'enquêteur belge. Il projette une photo de propagande où Chakib Akrouh pose, un couteau ensanglanté à la main.
A ses côtés sur la vidéo, un autre protagoniste dont il est question aujourd’hui dans le rapport de l’enquêteur belge : Najim Laachraoui. "endoctriné dans une mosquée de Molenbeek", selon son père.
Najim Laachraoui qui, fin 2013, devient encore l’un des geôliers des journalistes français enlevés en Syrie, Nicolas Hénin, Edouard Elias, Pierre Torres et Didier François. Puis intègre la cellule des opérations extérieures de l’Etat islamique - la Copex, déjà évoquée au cours de ce procès. C’est cette cellule qui pense, prépare et organise depuis la Syrie les attentats du 13 novembre 2015. Attaques dont, Najim Laachraoui était l’un des dirigeants. En août 2015, Najim Laachraoui prend la route de l’Europe. Il jouera le rôle d’artificier des attentats du 13 novembre 2015 puis celui de kamikaze des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles et Zaventem.
A ses côtés lors du périple de retour de Syrie, un certain Mohamed Belkaïd, Algérien de 35 ans qui aurait vécu en Suède. L’enquêteur n’en sait pas beaucoup plus sur le parcours de celui qui est mort à Bruxelles, le 15 mars 2015, dans une fusillade avec les forces de l’ordre.
La suite est un jeu de questions-réponses avec le policier Belge qui répond souvent qu’il n’a pas d’infos à communiquer et ça agace prodigieusement les parties , notamment la défense qui se <<demande quelle peut être la fiabilité du témoignage de l’enquêteur en présence du Parquet fédéral … l’oeil de Moscou dans le bureau >> dit un avocat de la défense .
"C’est pas gentil pour le Parquet fédéral belge", dit drôlement le président, embêté par l’absence de réponse apportée par l’enquêteur à la majorité des questions qui lui sont posées. Il suspend l’audience en espérant que ce vendredi les trois autres enquêteurs Belges nous en apprendront plus !
Michel Zerbib
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