Quand l'épidémie de Covid s'était déclarée en mars 2020, cela avait été une des premières mesures approuvées par le gouvernement Netanyahou. Pour casser les chaines de contagion, quel meilleur moyen que de retracer les mouvements des sujets infectés par le virus, pour identifier tous ceux qui avaient croisé leur chemin et étaient susceptibles d'avoir été contaminés à leur tour. C'est alors que l'on découvrait que le Shin Beth, les services de sécurité intérieure, disposait d'un système qui serait tout à fait approprié et qui était utilisé jusque-là pour traquer les mouvements des terroristes et débusquer leurs complices avant qu'ils aient pu passer à l'acte. Les responsables du Shin Beth ne s'étaient pas montrés très enthousiastes, d'abord parce qu'ils auraient préféré que cet outil reste ignoré du grand public et aussi parce qu'ils estimaient que ce n'était pas le rôle du Shin Beth de surveiller les citoyens.
Finalement, le dispositif avait été mis en place et le Shin Beth avait commencé à borner les téléphones des cas positifs. Sauf que leur nombre était rapidement monté à plusieurs milliers par jour et que la marge d'erreur de la technologie avait été largement dépassée, obligeant des milliers de personnes à entrer en isolement, et parfois plusieurs fois de suite, sans avoir été cas contact. Sans oublier que la surveillance systématique de la population avait suscité de nombreuses critiques, comme une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles. La Cour Suprême avait d'ailleurs rendu deux arrêts limitant l'usage du bornage des téléphones à des cas spécifiques et pour une durée limitée.
Et surtout, les partis de l'opposition avaient été unanimes à condamner cette pratique, qu'ils dénonçaient comme antidémocratique et seulement utilisée dans les régimes autoritaires. L'ironie de la politique veut que ce soient justement ceux qui avaient accusé le gouvernement Netanyahou de dérive, qui demandent aujourd'hui l'aide du Shin Beth. Et même si quatre ministres ont voté contre, la motion a emporté la majorité, dont la voix du ministre de la Santé et leader du Meretz Nitzan Horowitz qui n'avait pas été l'un des moins virulents contre le recours au Shin Beth.
Toujours est-il que cette fois, il ne s'agit pas de surveiller toute la population, ce qui s'était d'ailleurs révélé impossible et inefficace. C'est justement parce que le variant Omicron vient seulement d'apparaitre en Israël et sur un nombre très limité de cas, que le dispositif de bornage du Shin Beth peut se révéler utile, faute d'une technologie civile disponible. Jusqu'au 29 novembre, seuls deux cas avérés d'infection au variant sud-africain étaient confirmés en Israël, et une quinzaine de cas suspects. La surveillance reste donc encore dans les limites technologiques du système des services de sécurité intérieure.
De plus, le gouvernement a déjà fixé ses limites d'emploi : quand on aura pu établir que le variant n'est pas résistant au vaccin, ou quand le variant se sera trop propagé dans la population pour qu'on puisse briser les chaines de contagion, alors le Shin Beth sera relevé de sa mission. Dans tous les cas, le décret autorisant son utilisation expirera le 2 décembre, après quoi il faudra un vote de la Knesset pour la prolonger.
Pascale Zonszain
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.