Les négociations pour tenter de sauver l’accord sur le nucléaire iranien, interrompues depuis cinq mois, reprennent ce lundi 29 novembre à Vienne alors que l’Iran s’est rapproché du « seuil » pendant ce laps de temps, c’est-à-dire qu’elle pourrait détenir les composants de l’arme atomique sans qu’aucune bombe ne soit produite ou assemblée.
Pour les occidentaux, l’objectif est clair : ramener à la raison la République islamique qui multiplie pourtant les provocations depuis le retrait américain en 2018. Mais au fond, personne n’est dupe, pas même les grandes puissances, bien qu’elles n’osent pas encore sonner la fin de la partie et la caducité de l’accord de 2015.
Tous les signaux sont au rouge et les illusions déçues sont aujourd’hui clairement perdues. Ces derniers mois, l’Iran a significativement augmenté la quantité d’uranium hautement enrichi produite, en violation des engagements pris dans le cadre de l’accord de Vienne encadrant son programme nucléaire. Selon des estimations de début novembre, Téhéran a ainsi porté son stock d’uranium enrichi à 60% (soit bien au-delà de la limite autorisée de 3,67%) à 17,7 kg contre 10 kg fin août. Celui enrichi à 20% est passé de 84,3 kg à 113,8 kg. Pour ne pas mettre en péril la reprise des négociations, les Occidentaux se sont abstenus de toute résolution critique à la réunion du Conseil des gouverneurs mais les Etats-Unis ont menacé de convoquer une session extraordinaire en décembre si l’impasse devait perdurer.
Avant sa venue en Autriche, l’émissaire américain Rob Malley a jugé que les récents actes iraniens n’étaient « pas de bon augure« . Et d’ajouter: « S’ils traînent des pieds tout en accélérant le rythme avec leur programme nucléaire (…), alors, bien entendu, nous ne serions pas prêts à rester les bras croisés« .
Alors que les Américains évoquent la possibilité de proposer un accord nucléaire dit intérimaire, la presse iranienne, aujourd’hui principalement dominée par les voix dures, rejette avec fermeté ce scénario. Le 20 novembre, le quotidien ultraconservateur Kayhan a qualifié l’idée d’un accord intérimaire de « tromperie » et de « piège », se félicitant de l’expansion du programme nucléaire qui, d’après cette publication, est en train de porter ses fruits.
De son côté, le nouveau gouvernement israélien avance ses pions et oscille entre relance diplomatique et menaces. Ainsi, Israël signe ce lundi un traité de défense avec la Grande-Bretagne valable pour la prochaine décennie, promettant un engagement commun pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, ainsi qu’une coopération sur des questions liées à la cybersécurité. L’accord a été annoncé par le chef de la diplomatie israélienne, Yaïr Lapid, et son homologue britannique, Liz Truss.
Il s’agit d » »un nouveau plan stratégique pour la prochaine décennie couvrant la cybersécurité, la technologie, le commerce et la défense« , ont-ils déclaré dans un article conjoint publié par le Daily Telegraph. Les deux pays « travaillent jour et nuit pour empêcher le régime iranien de devenir une puissance nucléaire« , ont-ils par ailleurs souligné. Ils vont également coopérer « plus étroitement » pour se défendre dans le cyberespace, l’Etat hébreu représentera un cyber-partenaire de premier plan pour le Royaume-Uni avec un accès préférentiel au marché britannique.
D’autre part, le gouvernement israélien a augmenté les fonds alloués à la Défense au début du mois. Son objectif est de préserver la supériorité militaire d’Israël sur l’axe chiite. La hausse est consacrée notamment au renforcement des capacités offensives de l’armée de l’air dans le domaine des missiles et des munitions de précision ainsi qu’à un projet d’interception des tirs de missiles et roquettes par laser électronique.
Si l’Iran et Israël se mènent une guerre de l’ombre depuis plusieurs années à coups de cyberattaques ou de piratages industriels, la communauté internationale et en particulier les Etats-Unis n’ont pas caché leur agacement face à la morgue des dirigeants iraniens qui pensent pouvoir s’affranchir de toute contrainte. Nul doute que si l’Iran s’obstine et ne montre aucun signe d’apaisement, les États-Unis se joindront à leurs partenaires européens, et éventuellement à la Russie et la Chine, pour imposer des sanctions. Ils considéreraient aussi l’option militaire s’ils estiment que la menace nucléaire est imminente. Le mois dernier, Yair Lapid évoquait cette possibilité lors d’une rencontre avec Antony Blinken. « Le secrétaire d’État Blinken et moi sommes des enfants de survivants de l’Holocauste. Nous savons qu’il y a des moments où les nations doivent avoir recours à la force pour protéger le monde du Mal », a-t-il déclaré. « Israël se réserve le droit d’agir à tout moment, et quels que soient les moyens », a-t-il martelé. Le compte à rebours a commencé. Et les puissances occidentales ont perdu patience.
Arié Bensemhoun
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