Tel Aviv est peut-être devenue cette année la ville la plus chère du monde, mais c'est d'abord la ville plus chère d'Israël. Les touristes – quand il y en a – ne s'en rendent pas forcément compte du premier coup. Sauf quand ils changent leurs devises en shékels. Car alors, ils réalisent que leur pouvoir d'achat n'est pas exactement celui qu'ils escomptaient et découvrent ainsi ce que vivent les Israéliens, et en particulier ceux de Tel Aviv, au quotidien. Cette année, la devise israélienne a effectivement battu des records, atteignant sa parité la plus haute face à l'euro et au dollar depuis un quart de siècle. Ce qui explique en grande partie que Tel Aviv soit remonté en un an de la cinquième à la première place dans le classement de l'Economist, réalisé entre août et septembre. Deux paramètres principaux entrent dans l'étude du magazine britannique, le prix de l'alimentation et celui des transports. Sur ces deux postes, les prix ont augmenté respectivement de 3,5 et 21%, une conséquence directe des perturbations provoquée par la crise sanitaire.
Et pourtant, si l'on affine l'analyse, Tel Aviv n'est pas plus chère et même plutôt moins que Singapour ou New York pour le prix d'un loyer en centre-ville ou celui d'un kilo de pommes. Seulement, le salaire moyen d'un habitant de la métropole israélienne est légèrement inférieur à celui d'un Parisien, deux fois moins élevé que celui d'un New Yorkais et près de trois fois moins que celui d'un Zurichois. Sans compter qu'à Tel Aviv, le logement représente près de la moitié des revenus mensuels en moyenne, et que les prix élevés de l'immobilier se répercutent aussi sur les commerces et les services.
Et donc, en termes de pouvoir d'achat, le niveau de vie à Tel Aviv reste très en-deçà de celui d'autres métropoles étrangères. Les Israéliens le savent, pour qui Tel Aviv reste la capitale économique, mais une ville où il est de plus en plus coûteux de vivre, comme par exemple pour les étudiants ou pour les familles, ceux dont les revenus sont les plus bas ou les dépenses les plus élevées. Et il est vrai que la population de Tel Aviv a vieilli, avec des habitants qui se sont déplacés vers les proches banlieues souvent plus abordables. Le marché de l'immobilier de Tel Aviv est le plus cher du pays. Et cela ne touche pas seulement les tours luxueuses du nord de la ville ou les résidences de Neve Tsedek. C'est l'ensemble de la ville qui est touché, jusqu'aux quartiers du sud, hormis quelques zones habitées par les travailleurs migrants.
La qualité de vie à Tel Aviv a un prix que beaucoup d'Israéliens ont du mal à assumer. La restauration est un poste particulièrement coûteux, surtout comparé aux prix pratiqués en Europe. Les services sont aussi plus chers que dans le reste du pays. Et pourtant, Tel Aviv reste un aimant puissant. Historiquement, cela s'explique par la place de Tel Aviv comme première ville juive de l'ère moderne et les limitations imposées à l'époque du Mandat britannique, où les Juifs ne pouvaient s'établir que dans la plaine côtière. Aujourd'hui, Tel Aviv reste une métropole vibrante, créative, mais aussi de plus en plus bourgeoise. Les immeubles neufs sortent de terre en permanence, les chantiers du tramway et du métro promettent la fin des embouteillages. Tel Aviv change tout le temps, mais sa population a parfois du mal à tenir le rythme.
Pascale Zonszain
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