L'insécurité dans le Néguev ne date pas d'hier. Cela fait des années que l'on rapporte des caillassages de voitures près des localités bédouines, des rodéos sur les routes, des rafales tirées en pleine nuit, parfois même à l'arme lourde. Et c'est toute la population du sud d'Israël qui ressent l'insécurité, que ce soient les habitants des localités juives, ou la population bédouine elle-même. Cette réalité est étrangère aux habitants du centre d'Israël, qui n'en entendent parler que lorsqu'un incident est plus spectaculaire ou plus grave que les autres.
La semaine dernière, c'est un bus qui faisait la ligne de nuit Tel Aviv-Eilat qui a été caillassé près de Beer Sheva. Pratiquement toutes les vitres du car ont explosé sous les jets de pierre et s'il n'y a pas eu de blessé, c'est seulement parce que les sièges couchettes où les passagers étaient endormis, se trouvaient sous les fenêtres. La ministre des Transports Merav Michaeli avait alors dénoncé un "véritable acte de terrorisme".
Quelques jours plus tôt, c'était une bagarre entre membres de deux tribus rivales qui avait dégénéré sur le parking des urgences de l'hôpital Soroka de Beer Sheva. Un homme avait même tiré plusieurs balles de pistolet en l'air, sans toucher personne, mais déclenchant un véritable mouvement de panique, tandis que soignants et malades se barricadaient à l'intérieur de l'hôpital en attendant la police. Cette violence n'est pas constante, mais varie d'intensité selon les périodes. Elle était arrivée à son paroxysme pendant l'opération Gardien des Murailles de mai dernier, où l'on dénombrait plusieurs incidents par jour, en particulier des attaques sur les routes, dans les zones désertes autour de Dimona ou de Beer Sheva.
Dans cette région du sud d'Israël vit une population bédouine de quelque 260.000 personnes, dont plus d'un quart vit dans des localités non reconnues. En l'absence d'une véritable présence institutionnelle, certains secteurs se transforment en zones de non-droit, tenues par des sortes de milices armées, que Naftali Bennett en visite hier dans le Néguev, a d'ailleurs comparées à ce qui se passait au Far-West. En fait, il faudrait plutôt se reporter au mode de vie des tribus bédouines d'avant leur sédentarisation et leur reconnaissance de l'autorité de l'Etat, quand un groupe ou un clan tenait son autorité de sa propre force et de sa dissuasion par rapport à ses voisins pour le contrôle des points d'eau ou des aires de pâturage pour ses troupeaux. Aujourd'hui, les enjeux ont changé, mais les anciens modes opératoires reviennent, au mépris total de l'état de droit.
Si les Bédouins eux-mêmes sont donc les premiers à en souffrir, la situation a largement débordé leur secteur. Le Premier ministre israélien, qui s'est entretenu avec les élus locaux, a assuré que le rétablissement de l'ordre public et de la gouvernance était en cours. " La criminalité dans le secteur arabe n'est pas seulement le problème du secteur arabe, c'est celui de tous. Après des années où cette population a été laissée livrée à elle-même, jusqu'à ce que la criminalité atteigne des proportions insupportables, nous avons décidé de passer de la défensive à l'offensive" a assuré Naftali Bennett. Mais il faudra plus que l'opération de police en cours pour régler le fond du problème. C'est la présence de l'Etat qui doit redevenir la norme pour les Bédouins du sud d'Israël.
Pascale Zonszain
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