C’est le frère de l’un des visages les plus tristement célèbres du terrorisme djihadiste et de Daesh star notamment d’une vidéo atrocement célèbre dans laquelle on le voit traîner des corps des Kuffars (comme il dit) derrière un pick-up, rigolard et dégénéré. Né en 1995, Yassine Abaaoud a sept ans de moins que son aîné, Abdelhamid, tué dans l’assaut de Saint-Denis mais qui le hante encore dit-il. Il s’est donc présenté en visioconférence depuis Bruxelles comme témoin du procès, Yassine Abaaoud, arbore un masque noir et un sweat blanc à capuche, ne se montre pas vraiment coopératif. "Non monsieur, je ne sais pas monsieur", répond-il au président Périès qui lui rappelle qu’il n’est pas accusé mais le jeune homme est sur la défensive. "Mon frère ne me racontait pas ce qu’il avait en tête." Le président lui rappelle que son frère est parti en Syrie avec son petit frère de 13 ans et que son père ne lui pas pardonné. Yassine Abaaoud finit par lâcher "Oui je n’étais pas d’accord pour qu’il prenne mon frère sans le consentement de mes parents." "Abdelhamid voulait venir aussi, vous avez refusé", lui rafraîchit la mémoire le président , "je ne sais pas monsieur."
Aujourd’hui encore, Yassine Abaaoud ne cache pas son scepticisme. Son frère, Abdelhamid, est-il vraiment le chef opérationnel des attentats du 13-Novembre 2015, ainsi que tout le monde le décrit ? A-t-il réellement trouvé la mort dans l’assaut mené par le Raid, trois jours après les attaques? « Dans ma famille, on est un peu dans le doute, on n'a jamais vu de photos, personne n’a vu son corps", lâche le jeune homme. Mais d’Abdelhamid Abaaoud, on apprendra finalement bien peu de choses. Tout juste qu’il a quitté le foyer familial à 16 ans, s’est radicalisé après un séjour en Egypte, vraisemblablement en 2012, qu’il avait "beaucoup de caractère" et était "autoritaire". « Mon frère ne me racontait pas ce qu’il avait en tête, ses projets légaux, pas légaux, je n’en savais rien », assure son cadet. Pendant un peu plus d’une heure, Yassine Abaaoud a donc multiplié les silences et les non-dits. « Vous saviez ce qu’il faisait en Syrie ? », l’interroge encore le président, Jean-Louis Périès. "Non." « Vous pensiez peut-être qu’il faisait du tourisme », insiste-t-il, avec une pointe d’ironie. « Je ne sais pas. » Pourtant, il a bien dû être confronté aux vidéos des exactions commises par son aîné et devenues virales sur les réseaux sociaux. « Je ne les voyais pas. » Le magistrat persévère, encore et encore. « Mais qu’est ce qu’il s’est passé dans la tête de votre frère pour en arriver là » Yassine parle d’une "période trouble sur le plan géopolitique", dit Abaaoud qui avait été condamné lui aussi en Belgique pour apologie du terrorisme et a passé deux ans en prison au Maroc.
Le jeune homme admet néanmoins que s’il ne connaissait pas précisément les projets de son aîné, il n’ignorait pas ses velléités de combat. Car après un court séjour en Belgique, Abdelhamid Abaaoud a enlevé leur petit frère de 13 ans, Younes, pour la Syrie. "Sa disparition nous a brisé le cœur, il n’était pas responsable, il ne savait pas où il allait", explique Yassine, racontant, la gorge nouée, une famille "brisée", qui espère encore le retour du petit dernier, pourtant déclaré mort sur « zone ». "On était des commerçants sans histoire et tout a changé. Je vis en Belgique, sans mes parents, ils se sont séparés, c’est pas facile."
Yassine Abaaoud a pourtant été condamné en 2016 à deux ans de prison, au Maroc, pour ne pas avoir dénoncé l’enlèvement de son petit frère et pour « apologie du terrorisme ». Une peine qu’il estime injuste et infondée. Il assure, au contraire, avoir résisté lorsque son frère a tenté de le rallier à sa cause. « J’avais 17 ans, j’allais passer mon bac, j’avais des activités, une petite amie », se remémore-t-il à la barre. Pour échapper à son contrôle, il évitait les endroits où il pouvait le rencontrer, restait loin de son quartier.
Abdelhamid Abaaoud n’a jamais coupé les ponts avec son jeune frère et lui a annoncé des choses terribles, on l’apprend de sa propre déposition, de la téléphonie et des questions des parties civiles. En janvier 2015, peu après les attaques de Charlie Hebdo, il reçoit en prison, où il se trouve en détention provisoire pour une affaire de droit commun, un appel d’Abdelhamid Abaaoud. Au cours de cet échange qui s’avérera être le dernier entre eux, il lui assure que cet attentat "n’était que le début". Un avocat lui pose une dernière question : vous avez passé des appels longs avec un interlocuteur que vous appeliez souvent et qui était en contact avec Abrini (autre accusé important) le soir du 13-Novembre. Qu’avez vous pensé en apprenant que des attentats venaient d’être perpétré à Paris, il finit par lâcher « j’ai pensé dans un coin de ma tête » que son frère était derrière les attaques perpétrées à Paris. « Mais j’étais pas sûr ». La cour entendra ce vendredi des parents du Kamikaze français Amimour.
Michel Zerbib
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