Cet entrefilet titrait « Papy a laissé traîner son comprimé bleu » et s’intéressait aux effets secondaires et aux risques de l’ingestion de Viagra par un enfant qui n’est évidemment pas la cible prioritaire de ce type de médicament.
La bandaison papa ça n’se commande pas, c’est plutôt Brassens, nous médecins parlons en effet de dysfonction érectile. Il s’agit de l’incapacité persistante ou répétée à obtenir ou maintenir une érection suffisante pour permettre un acte sexuel satisfaisant. Pour que ce diagnostic soit évoqué, il faut que ce trouble soit présent depuis environ six mois et survienne pour les trois quarts des câlins. Ce qui exclue de notre propos la banale panne sexuelle.
La dysfonction érectile est un problème d’âge même si elle existe également chez les plus jeunes. Elle est estimée entre 1 et 10% chez les 20-40 ans (notons que d’après plusieurs enquêtes, ¼ des 18-25 ans prennent la fameuse pilule bleue pour optimiser leurs performances). Elle monte entre 2 et 30% chez les 40-60 ans, 20 et 40% chez les 60-70 ans et survient dans la moitié voire les trois quarts des tentatives après 70 ans… même en pensant à Fernande.
C'est principalement un diagnostic d'interrogatoire. A aborder avec tact car les messieurs ont souvent du mal à évoquer spontanément ce problème. L’interrogatoire doit donc être pudique, empathique, sans jugement ni préjugés, et pas du tout ironique ou policier. Une fois ce trouble diagnostiqué, il faut rechercher un ou des facteurs de risques cardio-vasculaires (principalement le diabète), des difficultés sexuelles antérieures ou personnelles dans le couple, la prise de certains médicaments (psychotropes, antiHTA), un déficit androgénique (testostérone), des problèmes prostatiques. Et fréquemment en cause à partir d’un certain âge, la sédentarité, l’abus d’alcool, le tabagisme.
Des examens sont utiles, un bilan sanguin bien sûr à la recherche des différentes comorbidités (vous connaissez à présent parfaitement ce terme) et d’une diminution des hormones mâles (la testostérone), parfois une exploration cardiologique (Echo-doppler, épreuve d’effort).
La célèbre petite pilule bleue (le viagra), a été découverte par hasard en 1998. Le laboratoire Pfizer, oui celui du vaccin, cherchait un médicament efficace contre l’angine de poitrine. En testant le sildénafil, une molécule finalement inefficace sur les douleurs thoraciques de l’étude, les chercheurs constatèrent des effets secondaires surprenants, des érections soudaines et durables. Le Viagra était né. Ce produit a révolutionné le traitement des hommes souffrant de dysfonction érectile, envoyant au rencart les aphrodisiaques incertains (cornes de rhinocéros, défenses d’éléphant, bois bandé, yohimbine, gingembre, clou de girofle) et passé au second plan les peu confortables injections locales, qui conservent toutefois encore quelques rares indications.
Le gamin qui a avalé la pilule de papy va bien rassurez-vous. Le sildénafil, à aussi faible dose, est peu toxique en ingestion aiguë. Ce vasodilatateur a dans l’organisme une demi-vie de 3 à 5h, est métabolisé par le foie, éliminé rapidement dans les selles. Son ingestion chez certains patients peut toutefois entraîner une rougeur de la face, parfois un mal de tête, une légère hypoTA artérielle, une petite accélération cardiaque, un inconfort. Le traitement dans le cas du gamin a juste consisté à surveiller son pouls et sa TA pendant 24h. Cette inconséquence a finalement été sans conséquences.
C’est juste la confirmation que ce produit est efficace et sûr. Mais qu’il ne faut pas tenter le diable et le laisser traîner négligemment sur sa table de nuit à portée des enfants. Ca doit rester un médicament de l’adulte et absolument jamais un smartie pour les plus petits.
Serge Rafal
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