Personne n'avait été dupe très longtemps de la version servie par le Hamas vendredi dernier, d'une explosion accidentelle de bouteilles d'oxygène dans le sous-sol d'une mosquée du camp palestinien de Burdj al Shamali, près de Tyr sur la côte sud du Liban. C'étaient bien des armes, très probablement des roquettes et des explosifs qui étaient entreposées dans la cave de la mosquée du camp de réfugiés palestiniens. Une technique éprouvée des groupes terroristes et en particulier du Hamas, qui utilise des civils non combattants comme bouclier humain, pour empêcher des frappes de Tsahal sur ses arsenaux.
Il y a une dizaine de jours, le quotidien israélien Yediot Aharonot révélait d'ailleurs que le Hamas avait établi une branche locale de son organisation au sud-Liban, dès le lendemain de la guerre de Gaza de l'été 2014. Le Hamas avait alors combattu seul contre Israël, le Hezbollah ayant préféré se tenir à l'écart de la confrontation. Mais en mai dernier, pendant l'opération Gardien des Murailles, l'organisation islamiste palestinienne avait eu recours à son antenne libanaise qui avait tiré quatre roquettes sur le nord d'Israël. En 2018, Israël avait pourtant essayé de court-circuiter l'implantation du Hamas au sud Liban en visant l'un des responsables de l'organisation, Muhamad Hamdan, mais l'attaque avait échoué. Depuis, c'est Salah Arouri, le numéro deux du bureau politique du Hamas, dont il commande la branche armée en Cisjordanie et qui sert d'intermédiaire avec le Hezbollah, qui dirige l'opération et partage son temps entre le Qatar, la Turquie et le Liban. Car rien évidemment ne peut se faire dans ce secteur sans l'accord du Hezbollah et de l'Iran.
Selon les services de sécurité israéliens, la branche libanaise du Hamas compte quelques centaines d'hommes, répartis en différentes unités chargées de la production et de l'acquisition de roquettes et d'entrainement des troupes. Le tout financé par le trafic de drogue. Si l'on reste très loin de la puissance de feu du Hezbollah, cette structure du Hamas doit donc lui permettre d'ouvrir deux front simultanés en cas de confrontation avec Israël, sans impliquer directement le Hezbollah.
Cet acteur supplémentaire complique encore la situation déjà chaotique du Liban, où l'on préfère ne pas intervenir et où l'on se souvient aussi que c'était dans les camps de réfugiés palestiniens qu'avait débuté la guerre civile des années 70. Les obsèques de la victime de l'explosion de vendredi soir dans le camp de Burj al Shamali avaient d'ailleurs donné lieu à des affrontements armés entre le Hamas et le Fatah, qui ont fait quatre morts.
Et pour Israël, c'est donc un paramètre supplémentaire dans le casse-tête que représente son front nord, le rendant encore un peu plus instable. Surtout considérant qu'une autre échéance se rapproche. Selon les évaluations des analystes militaires israéliens, d'ici quelques mois, le Hezbollah sera en mesure de produire de façon autonome et locale des missiles de précision sur le territoire libanais, sans avoir besoin de les faire venir d'Iran. Israël devra alors trancher : soit attaquer ces unités de production au risque de déclencher la guerre avec le Hezbollah, soit miser sur la crise intérieure libanaise pour paralyser l'organisation pro-iranienne.
Pascale Zonszain
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