Comme Mr Jourdain qui fait de la prose sans le savoir, certains pratiquent ou côtoient des bigorexiques, c'est à dire qu’ils pratiquent une activité physique de façon très intensive ou vont reconnaître dans cette rubrique quelqu’un de leur entourage. Il se cache derrière ce terme étrange de bigorexie à l’étymologie curieuse, mi-anglaise (= big), mi-grecque (orexis = appétit), une véritable maladie répertoriée par l’OMS. Il ne s’agit plus de l’activité physique bénéfique que nous recommandons régulièrement, comme les 7000 pas santé par jour, mais d’une pratique véritablement excessive voire obsessionnelle du sport, dépassant plusieurs heures par jour. La bigorexie est fréquente, elle pourrait concerner 1 sportif sur 7.
L’activité physique ou plutôt le sport procurent à leurs pratiquants une sensation de bien-être, de plénitude, parfois de bonheur ou d’exaltation. Ceci est dû à la libération de neurotransmetteurs que vous connaissez, le cortisol des surrénales, l’Ad et la NAD pour l’adaptation à l’effort, la dopamine et la sérotonine qui atténuent la douleur physique, les endorphines, nos propres morphines naturelles, efficaces dans notre lutte contre la douleur et qui provoquent également bien-être et euphorie, ressentis lorsque l’activité se prolonge. A noter que les sports d’endurance (course, natation, vélo, step, rameur…) sont ceux qui produisent le plus d’endorphines. Nous devons reconnaître que sans ces hormones, la pratique sportive aurait « beaucoup beaucoup » moins de saveur !
La recherche inconsciente d’un plaisir hormonal fait probablement le lit de la bigorexie mais pas seulement. Le besoin d’activité physique peut être lié à un manque d'estime de soi, un vide affectif, l’envie de changer d'apparence physique. L’athlète peut également rechercher l’exploit, souhaiter prendre le contrôle de son corps, développer sa force musculaire, désirer avoir un corps parfait. Mais derrière, il peut aussi être en quête de cette libération bienfaisante ou euphorisante d’endorphines. Tout son temps libre, ses activités sont alors être organisés autour de sa passion exclusive avec les répercussions sociales, psychologiques, familiales et professionnelles que cette attitude peut générer. Ce n’est pas le simple goût du sport qui explique qu’on puisse s’inscrire à un trail (iron-man) ou un marathon des sables, ça va à mon sens bien au-delà.
On parle de bigorexie dès qu’il y a installation d’un besoin impérieux et croissant d’activité physique avec des symptômes de manques physique et psychologique, plus ou moins intenses, dès le moindre accroc (arrêt pour blessure par exemple).
Des soucis musculaires, osseux, tendineux, un épuisement généralisé, des troubles du sommeil, risquent de se produire, parfois un problème cardiaque plus grave (cœur forcé). Et l’arrêt de l’activité peut avoir de grosses conséquences mentales avec de l’anxiété, de la déprime voire une dépression nerveuse, une diminution des capacités cérébrales, des troubles du sommeil, un BO et la tentation de se diriger vers des produits qui promettent un rétablissement rapide (anabolisants, régimes hyperprotéinés, médicaments).
Evidemment, la bigorexie se soigne comme les autres addictions par une aide : un accompagnement par un psy du sport, un addictologue, un thérapeute, spécialisé en thérapies cognitives et comportementales (TCC).
Nous nous souvenons tous de la célèbre formule attribuée à Winston Churchill lorsqu’on l’interrogeait sur sa longévité, « Never sport ». La clé n’est pas l’abstinence totale d’activité mais le sport comme l’alcool doivent se consommer avec modération… sans trop en faire… en gardant toujours le contrôle. Précisément pour ne pas plonger dans une addiction parfois très salée, la bigorexie.
Serge Rafal
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