Ce sont ces hommes qui, dès le 14 novembre 2015, avaient revendiqué les attentats de Paris , dans un message audio. Oui les deux hommes seraient morts dans une frappe en Syrie en février 2019 mais, en l’absence de certitudes, ils sont quand même jugés par défaut dans ce procès.
Car Jean-Michel et Fabien Clain, Toulousains originaires de la Réunion et issus d’une famille radicalisée de longue date, étaient des cadres de la propagande de l’Etat islamique.
Leur voix a été formellement identifiée dans le message de revendication posté par Daech au lendemain des attentats du 13-Novembre.
Ils auraient trouvé la mort dans une frappe en Syrie en février 2019, mais en l’absence de certitude, ils sont jugés par défaut dans ce procès, comme quatre autres accusés d’ailleurs.
Fabien Clain est né en 1978 à Toulouse. Il est connu sous divers alias, notamment Abou anas al farensi. Il s'est marié religieusement à Mylène Foucre, qui va progressivement se mettre à porter le voile . Sa conversion correspond au moment où elle rencontre Fabien. Ensemble, ils ont quatre enfants, dont trois sont en vie.
Jean-Michel Clain est le frère cadet de Fabien. Il est né en 1980 à Toulouse. Il s'est marié religieusement à Dorothée Maquerre qui s'est convertie à son tour. "Ils ont en tout huit enfants", précise l'enquêtrice qui égrène leurs noms.
L'enquêtrice évoque ensuite Anne-Diana, la sœur aînée des frères Clain, elle aussi très radicalisée, et qui devrait être entendue aujourd’hui par visioconférence.
"Ce qui est intéressant à comprendre, explique l'enquêtrice, c'est que cette famille vit en clan très fermé selon les règles très strictes de la charia."
Le parcours des frères Clain s’inscrit dans la mouvance radicale de Toulouse et leur appartenance au groupe d'Artigat. Un groupe qui faisait de la propagande et du recrutement pour faire le "djihad armé".
Fabien est connu pour son "prosélytisme agressif". C’est un soutien logistique aux filières d'acheminement de combattants vers l'Irak et tient un discours "violent".
Son frère Jean-Michel va lui aussi suivre les courants les plus violents de la mouvance salafiste, fait l'apologie de vidéos violentes et se montre discret sur ses activités.
En 2003, Fabien Clain et Mylène Foucre s'installent en Belgique. En 2005, Jean-Michel Clain et son épouse Dorothée Maquerre choisissent l'Egypte après avoir été refoulés du Yémen. Des voyages où ils tissent des liens "indéféctibles" dans la mouvance salafiste.
Les deux frères nagent en ligne sur un forum extrémiste bien connu sur laquelle circule cette formule : "le djihad médiatique est la moitié du combat".
"Ils comprennent rapidement l'utilité du djihad médiatique", ajoute l'enquêtrice. Il y avait chez Daesh un pôle de comm de guerre.
A son retour en France, Fabien est notamment mis en cause dans le dossier Artigat, la filière toulousaine. Incarcéré, il va continuer ses activités de prosélytisme en prison. Son frère va minimiser ses actions dans ce dossier et sera relâché. Ils seront également tous les deux entendus sur leurs liens avec Farouk Ben Abbes, rencontré en Egypte quelques années plus tôt. Jean-Michel quitte la France en 2014 pour la Syrie en passant par l'Espagne. Sa famille le rejoint quelques semaines plus tard.
L'enquêtrice précise qu'ils partent en petit groupe pour éviter d'attirer l'attention. En Syrie, à Alep, puis Kobané, il rejoint un groupe de combattants dont il prend la tête en tant qu'émir.
En 2015, il commence son activité de revendications et de menaces envers la France, notamment via des anasheeds, ces chants "répétitifs, galvanisants, qui rendent sacré un combat armé", explique l'enquêtrice.
Dans l'anasheed de revendication de l'attentat de l'HyperCacher commis par Amedy Coulibaly en janvier 2015, Anne-Diana Clain reconnaîtra la voix de son frère Jean-Michel, montrant que l'homme se chargeait déjà de la propagande de l'EI à cette époque.
A partir de 2015, Fabien Clain prépare son propre départ sur zone syrienne. Il contracte plusieurs prêts à la consommation et achète du matériel audio professionnel avant de partir fin février.
Lui et sa famille sont repérés en Grèce. Fabien arrive à passer en Syrie avec sa mère tandis que l'épouse de Fabien, Mylène Foucre, est refoulée et interpellée en France. Entendue, elle déclare que leur voyage était "à but touristique" mais qu'une fois sur place, Fabien Clain ne voulait plus rentrer, c'est là qu'ils se seraient séparés.
Interrogée sur sa volonté de rejoindre sa famille en Syrie, "elle répondra clairement non", précise l'enquêtrice. Relâchée, Mylène Foucre prépare un nouveau départ en Syrie, cette fois réussi, puisqu'elle est repérée dans le pays en août 2015.
Mylene Foucre aurait bénéficié d'une fausse carte d'identité "comme les auteurs des attaques de Paris", nous apprend l'enquêtrice qui maîtrise parfaitement le dossier.
En août 2015, "le clan Clain s'est reformé en Syrie". Sur place, Fabien et Jean-Michel se consacrent au djihad médiatique. Ils diffusent de la propagande francophone de Daech, notamment par la radio "Al Bayan".
La revendication des attentats du 13-Novembre passe ainsi par un anasheed chanté en français par Jean-Michel et lu par Fabien, précise l'enquêtrice qui égrène des titres d'anasheeds lu et chantés par les deux frères, dont les voix ont été reconnues par leur sœur Anne-Diana.
"Les cavaliers des médias sont tombés au combat", déclarera Abou Bakr Al Baghdadi dans un discours à la suite de leur mort supposée en 2019.
Le président Jean-Louis Périès interroge la policière notamment sur les liens éventuels entre les frères Clain et certains des accusés, "y compris disparus". L'enquêtrice répond par la négative. Elle explique que les deux frères ont toujours gardé des liens importants avec les réseaux belges.
L'avocat général revient sur la radicalisation collective de la famille, en citant une note déclassifiée datant du début des années 2000 qui évoque l'appartement de la mère des frères Clain comme d'un lieu dont les murs sont "tapissés de photos de la Mecque et où les hommes et les femmes, qui portent l’a burka, vivent séparément". Il interroge l'enquêtrice sur des liens éventuels avec la famille Merah, ce qu'elle confirme.
Me Samia Maktouf cherche à comprendre pourquoi Fabien Clain n'a pas été interpellé alors qu'il se préparait à partir en Syrie, début 2015, et qui fait des crédits à la consommation pour acheter du matériel audio.
"Fabien Clain, il a fait sa peine, il est libre, il fait ce qu'il veut", répond l'enquêtrice pour replacer les choses dans le contexte de l'époque : "On n'imaginait pas ce qui allait se passer."
C’est au tour d’un autre avocat de parties civiles, Me Gérard Chemla d’interroger l'enquêtrice sur les liens entre Fabien Clain et Molenbeek. L'enquêtrice n'en a pas de souvenirs, elle semble chercher dans ses notes. L'enquêtrice répond à nouveau qu'elle n'en a pas de souvenirs.
Il l'interroge aussi sur ce qu'on pu devenir les enfants des frères Clain. "Ils doivent se trouver normalement dans le camp où sont Mylene Foucre et Dorothée Maquerre, je ne sais pas si vous avez vu le reportage de France 2 dans lequel elles témoignent... finit elle par répondre.
Me Chemla cinglant "c'est quand même dommage qu'on en apprenne plus en regardant France 2 qu'en vous interrogeant madame…" Punchline !
L'avocat général Nicolas Braconnay ajoute en plus que cela ne veut pas forcément dire que l'on sait où ils se trouvent en Syrie.
Alors pour finir la parole revient aux avocats de la défense. Celui de Mohammed Amri prend la parole pour apporter une "observation" de la part de son client : "il n'est pas marié à Anne-Diana Clain". En effet, le mari d'Anne-Diana Clain, considéré comme l'un des hommes qui a participé à la radicalisation de la famille Clain, s'appelle, lui aussi Mohamed Amri. Il y a un certain silence et quelques rires gênés dans la salle. Ça rappelle les Belges …ça fait désordre.
Driss Laachraoui, le père de Najim Laachraoui, l'artificier des attentats, s'est présenté à la barre. Il a répété que son fils avait été endoctriné sans qu'il ne puisse rien y faire. Deux autres témoins qui devaient être entendus aujourd'hui ne se sont pas présentés : le père des frères El Bakraoui a délivré un certificat médical l'en empêchant, la sœur de Chakib Akrouh est restée injoignable.
Et puis une demande de remise en liberté de Farid Kharkhach a été examinée. Ses avocates sont longuement revenues sur les raisons qui le justifiait, évoquant un client "fragile", qui a reconnu sa part dans la fourniture de faux papiers mais qui n'est pas radicalisé. Le délibéré sera rendu dans la semaine.
Michel Zerbib
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