Les médias israéliens ont largement relayé mercredi la Une du Teheran Times représentant une carte d'Israël parsemée de points rouges, pour figurer toutes les cibles potentielles, sous le titre "un seul geste de travers". Le message est clair, l'Iran veut ainsi rappeler à Israël qu'il a la puissance de feu et les missiles nécessaires pour frapper l'ensemble du territoire israélien. Le journal iranien en langue anglaise y ajoute une tribune destinée à compléter le tableau et à lever toute ambiguïté sur ses intentions, si Israël devait mettre ses propres menaces à exécution. Le tout ne donne pas vraiment dans la subtilité, mais il faut reconnaitre que ce n'est pas l'effet recherché.
Dans ce drôle de conflit qui oppose l'Iran et Israël, il y a trois fronts différents : celui du terrain, celui de la diplomatie et celui de l'arrière. C'est sur les deux derniers que se déroule ce qu'il faut bien considérer comme une guerre psychologique, destinée à influer sur les décisions politiques, celles des deux ennemis comme celles des grandes puissances et destinée à influer aussi sur l'opinion publique. C'est ce qu'a fait l'Iran avec sa Une de journal. C'est ce que fait Israël quand ses cyberattaques en Iran visent des cibles civiles. Au cours de l'année écoulée, ces opérations non signées, mais attribuées à Israël, ont par exemple paralysé le port de marchandises de Bandar Abbas, perturbé le trafic ferroviaire, ou encore bloqué le fonctionnement de milliers de stations-service à travers le territoire iranien. Ces attaques n'ont aucune finalité militaire. Elles visent à aggraver la situation, en déstabilisant encore un peu plus le fonctionnement économique du pays, dans l'espoir que la population fera tomber le régime des ayatollahs. Jusqu'à présent, il faut l'admettre, sans succès notable.
La guerre psychologique menée par Israël peut aussi exploiter des opérations antérieures pour rappeler au régime de Téhéran l'étendue de ses capacités militaires. C'est peut-être ce qui s'est passé avec les informations publiées cette semaine par le Washington Post sur deux raids attribués à l'aviation de Tsahal en mars 2020 et en juin dernier, contre des unités de production de gaz sarin en Syrie. Israël ne veut évidemment pas voir le régime d'Assad reconstituer son arsenal d'armes chimiques. Mais il y avait aussi un autre élément dans ces opérations : les cibles détruites étaient des installations souterraines. Comme certaines des installations nucléaires iraniennes… Dans ce cas, on peut estimer que si le message était bien envoyé par Israël, il s'adressait à la fois à l'Iran et aux grandes puissances, qui continuent à négocier sur le programme d'armement nucléaire de Téhéran. Encore de la guerre psychologique.
L'Iran de son côté, ne dispose pas des capacités cybernétiques d'Israël. Il sait qu'il ne peut pas percer les défenses de ses services de sécurité, ni de ses infrastructures stratégiques civiles ou militaires. Les Iraniens avaient tenté sans succès une cyberattaque contre le système de filtrage d'eau potable israélien. En revanche, ils ont eu plus de succès avec des attaques contre des hébergeurs de sites et contre l'hôpital Hillel Yaffe de Hadera, il y a quelques semaines. Ces piratages informatiques ont pour objectif de déstabiliser le public israélien en le faisant douter de la supériorité technologique de ses institutions. Mais là encore, le message ne passe pas vraiment. Mais cela ne dispense pas d'un effort de vigilance.
Pascale Zonszain
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