Que s’est-il passé dans le café Les Béguines, à Molenbeek, qui fut tenu par les frères Abdeslam ? C’est dans ce lieu qu’une partie des accusés du procès du 13-Novembre semble Penn effet s’être radicalisée. C’est en tout cas ce qu’a essayé d’éclaircir la cour d’assises jeudi, au travers de l’audition de deux témoins. D’abord Rafik el Hassani. C'est depuis les locaux du parquet fédéral belge qu'il a témoigné ce jeudi. Costaud, crâne rasé, pull noir et blanc, masque sur le bas du visage, Rafik El Hassani, 36 ans, est donc revenu sur sa relation avec plusieurs des accusés, dont Brahim et Salah Abdeslam, dit-il en guise de déposition spontanée avec son accent belge.
Brahim Abdeslam qui fera partie du commando des terrasses (il se fera exploser au Comptoir Voltaire), vendait très régulièrement de la résine de cannabis, a estimé Rafik El Hassani. Il faut dire que ce dernier, un Belge, ne figure pas parmi les accusés parisiens du procès en cours. Il sera jugé à Bruxelles, au printemps prochain, pour les attentats du 13 novembre 2015, dans ce qu’on appelle le dossier "Paris bis" : quatorze suspects, non retenus dans la procédure judiciaire française, vont être jugés en Belgique pour avoir aidé les auteurs des attentats ayant fait 131 morts.
Aux Béguines, certains ne se contentaient pas de la vente de stupéfiants. Ils passaient aussi leur temps en visionnant des vidéos de Daech. Notamment à la cave : un sous-sol composé de deux pièces qui en temps ordinaire servait à stocker des boissons et divers matériels. Mais où Brahim Abdeslam, principal gérant du bar, visionnait aussi des vidéos du groupe État islamique avec Hamza Attou , Mohamed Amri (ces deux hommes qui sont allés récupérer Salah Abdeslam à Paris, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015), ainsi que de Mohamed Abrini et Ahmed Dahmani (tous deux jugés pour avoir participé à l’organisation des attentats).
Une fois il a surpris ce groupe en train de converser sur les réseaux sociaux avec Abdelhamid Abaaoud, alors en Syrie et considéré comme le logisticien des attentats du 13-Novembre. Selon ce témoin, on lui fait alors comprendre qu’il devait remonter. Mais, jure-t-il, ne partage pas l’idéologie mortifère de Daech. L’une de ces vidéos, rencontrait un vif succès : celle où Abdelhamid Abaaoud, originaire lui aussi de Molenbeek, se trouve au volant d’un 4X4 en Syrie et tracte des cadavres de Kuffars, aurait dit Brahim Abdeslam à son ami. Selon El Hassani, les deux hommes se contactaient régulièrement : "Quand Brahim allait à la cave, c’était pour parler à Abaaoud. Il était fier de lui."
Et les parties civiles interviennent, Me Chemla. Oui, répond Rafik El Hassani. Pour ces séances sur petit écran, les précautions n’existaient pas . Si un client inconnu ou "un Flamand", (un étranger), entraient dans le bistrot, Brahim Abdeslam baissait l’écran de son ordinateur. Mais selon le deuxième témoin qui fréquentait régulièrement les lieux, en se rendant aux toilettes et en passant ainsi à proximité du petit groupe.
Dans le box, Mohamed Abrini qui est cité, se met en colère. Il se lève, veut intervenir, mais le président Jean-Louis Périès le fait rasseoir. Quelques minutes plus tard, son avocat, Me Eskenazi relaie le mécontentement de son client : il fait rire la salle.
Sur la question de savoir lequel des deux frères a entraîné l’autre à se radicaliser ? Pour Rafik El Hassani, il ne fait aucun doute que l’aîné Brahim Abdeslam a influencé son cadet Salah. C’était Brahim le vrai gérant du bar, le dur, lance l’avocate de l’accusé Mohammed Amri, mise en cause par El Hassani dans le visionnage des vidéos.
Mais, mais pour le second témoin, c’est plutôt Salah Abdeslam qui a monté tout le monde dans cette histoire, y compris son frère Brahim. "Quand Salah venait au café, Brahim devenait plus distant avec les clients" , explique-t-il. C’est encore Salah qui avait rappelé à ce témoin, peu avant les attentats de novembre 2015, quels étaient les bons rites islamiques. "L’islam , l’islam l’islam Il s’en souvient bien car il n’avait pas mangé ; on était en plein ramadan, lui rétorque alors Me Ronen, avocate de Salah Abdeslam.
Les avocats de Salah Abdeslam n’auront de cesse de tenter de décrédibiliser ce témoin volubile et truculent à l’accent Belge ES SALEHY qui défend la thèse que c’est Salah Abdeslam qui a entraîné son frère Brahim dans la voie terroriste. Jeudi les avocats du seul survivant des commandos ont du passer une mauvaise nuit mais le procès est loin d’être fini.
Michel Zerbib
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