1991-2021. 30 ans après l’URSS, ci-gît le nouveau monde, la chronique de Guy Konopnicki

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1991-2021. 30 ans après l’URSS, ci-gît le nouveau monde, la chronique de Guy Konopnicki
(Crédit : DR)

Ce jour-là, pour la partie du monde qui vit au rythme du calendrier grégorien, c’était la trêve des confiseurs, les chaînes de télévision diffusaient de gentilles émissions de variété et de vieux films mythiques…

Les journaux télévisés ouvraient, comme il est de tradition, sur le pape pape prononçant la bénédiction de Noël en la basilique Saint-Pierre de Rome.

L’image historique était, au mieux, le second sujet…

Et quelle image !

Ce jour-là, 25 décembre 1991, le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau descendait du fronton du Kremlin, remplacé par une bannière alors méconnue, celle de la Russie.

L’U.R.S.S. était officiellement morte. En vérité, le changement de drapeau n’était pas un événement, l’histoire avait déjà retenu l’image de la brèche ouverte dans le mur de Berlin, le 9 novembre 1989, comme point final de l’époque soviétique. La deuxième époque, de l’URSS avait également commencé à Berlin, par la photo d’un soldat soviétique hissant le drapeau rouge sur les ruines du Reichstag.

La photo du 2 mai 1945 représentait une scène de guerre, la dernière, et, pour les enfants du baby-boom, c’était ce que l’on appelle une scène primitive. Nous avions tous cette photo, pieusement conservée, découpée dans un journal imprimé sur le médiocre papier des temps de restrictions. Les ruines de Berlin ne nous faisaient pas pleurer, elles formaient le tombeau du rêve monstrueux des nazis.

46 ans plus tard, il y a trente ans, la fin du drapeau rouge n’était qu’une cérémonie sans importance. Moscou n’était pas en ruine, au contraire, la Russie fêtait sa renaissance. Les murs et les barbelés disparaissaient du paysage de l’Europe. Et partout l’on parlait de nouveau monde, oui, de nouveau monde.

Personne ne pleurait l’URSS. Il y avait eu Budapest et Prague, et, bien sûr, l’Archipel du Goulag. 

Au surplus, l’histoire avait de l’humour. Nikita Khrouchtchev et son successeur Leonid Brejnev n’avaient de cesse de menacer le petit État d’Israël, qui disaient-il, mettait en cause son existence par sa politique agressive.

En décembre 1991, Israël existait toujours et le colosse soviétique disparaissait. David avait une nouvelle fois vaincu Goliath.

La fin de l’URSS ouvrait, croyait-on, une ère de paix, pour Israël, pour le monde arabe et pour l’Europe.

En Europe, le rêve de paix n’a pas duré. La guerre déchirait déjà la Yougoslavie, le seul pays communiste qui avait échappé à la férule de l’URSS s’effondrait avec elle. Mais on construisait à la hâte l’Union Européenne, en élargissant à tout le continent un traité conçu pour douze pays occidentaux.

Pour éviter tout conflit, on proclama que les frontières de 1945 étaient immuables, à l’exception de la frontière inter allemande, ce qui n’empêcha pas les Tchèques et les Slovaques de se séparer. Et partout en Europe de l’Est, on ne tarda pas à découvrir que les peuples rêvaient moins de la démocratie et des droits de l’homme, que de la société de consommation capitaliste. Sortis de la pénurie communiste, les Polonais, les Hongrois et quelques autres n’ont pas pour autant atteint le niveau de vie des Allemands, ils se réveillent donc nationalistes. Les Allemands de l’Est, quant à eux avaient vécu derrière des barbelés, mais ces barbelés qui les empêchaient de sortir interdisaient aussi l’entrée. Le succès des néos nazis exprime, paradoxalement, la nostalgie de la RDA, protégée de l’immigration… 

L’Ukraine séparée de la Russie, cela ressemblait à une blague, tant elle était associée à l’identité russe, avec ses blés et ses Cosaques. La nouvelle Ukraine était la principale bénéficiaire des annexions soviétiques de 1945. Ses frontières avaient été tracées par le fameux crayon à deux pointes, rouge et bleu, de Joseph Staline. Un gros morceau de Pologne, la Galicie orientale, un bout de Slovaquie, la Ruthénie subcarpatique, et la Bucovine, roumaine. A quoi s’ajouta la Crimée, cadeau de Khrouchtchev… 

Toucher aux frontières de l’Ukraine est un crime !  Qu’importe si la Galicie orientale est une colonie de peuplement. Sous l’Occupation allemande, les nationalistes ukrainiens se sont installés dans les maisons des juifs qu’ils assassinaient. Puis, lors du rattachement à l’Union Soviétique, on installa des populations à la place des 7 millions de Polonais expulsés. Mais on nous dira que Jérusalem est arabe, alors que Lemberg, Brody, Stanislawow et Czernowicz sont ukrainiennes. Tout comme, à l’autre bout du pays, le Donbass, peuplé d’Ukrainiens russophone… Certes, la politique de force de la Russie n’est pas acceptable. Que cela me plaise ou non, même les peuples antipathiques ont droit au respect de leurs frontières. Les Ukrainiens sont historiquement forts peu sympathiques, leurs trois héros nationaux, Chmielnicki, Petlioura et Banderas, furent des massacreurs de juifs et ils ont, partout, des monuments et des statues. Ce qui n’autorise pas la Russie à masser des troupes à la frontière.

Il est bien loin, le nouveau monde annoncé il y a trente ans dans l’euphorie de la liberté retrouvée. Les peuples ont à peine goûté à la démocratie qu’ils aspirent à des régimes d’ordre. Et les Français ne sont pas en reste. Le vaste espace où nous pouvons circuler sans rencontrer de frontières est désormais source d’angoisse et de frayeurs. 

Et personne ne fête les 30 ans de la chute de l’URSS !

Guy Konopnicki

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