Petite Saga de l’Humour Juif, épisode 1 : Lenny Bruce

Religion, sexe, politique, Lenny Bruce dénonce le puritanisme de la société américaine des années 60. Il n'a aucune limite, ni dans le vocabulaire qu'il utilise, ni dans les sujets qu'il aborde. Mort à 41 ans d'une overdose d'héroïne, il s'est battu contre la censure durant toute sa carrière. Lenny Bruce est considéré comme le fondateur du stand-up américain.

Lenny Bruce nait en 1925 à New York, d'origine modeste, et juive, d'une mère connue dans le monde du spectacle. À seize ans, il fugue de chez lui. Ses premières scènes, ce sont les cabarets de New-York, et les hôtels de Catskills, berceau de l’humour Borscht Belt, littérallement la ceinture du Borsht, nom empreinté au fameux potage de betterave, plat typique d’Europe de l’Est. Car cette région montagneuse située dans les comtés de Sullivan et de l’Ulster est le lieux de villégiature privilégié des juifs ashkénazes de New-York.

Pour beaucoup, il est fondateur du stand up américain. Lenny Bruce était donc un comique juif et névrosé, ça fait très cliché dit comme ça, et ça définit aussi toute la complexité de Lenny Bruce. Le tragique de l’humour qui est selon la citation bien connue est « la politesse du désespoir ». Un miroir tendu à l’amérique puritaine des années 60. Lenny Bruce improvise, sans mise en scène particulière, sans accessoire à part parfois un tabouret de bar, ou les journaux qu’il épluche.

"Religion Incorporation" est le sketch de Bruce qui suscita les réactions les plus fortes. Un sketch qui met en scène une réunion de leaders religieux a Madison Avenue, le centre des affaires new-yorkais. Lenny Bruce profite de l'anecdote pour comparer la religion a une action boursière et faire allusion a de faux miracles dont l'Eglise se sert pour récolter des fonds. Il accuse le pape d'être un imposteur et l'Eglise d'être plus soucieuse de son image que des problèmes sociaux du pays. Selon la mère de Lenny Bruce, Sally Marr, ce sketch fut à la source de ses problèmes avec la justice.

Lenny Bruce taille aussi des costards aux antisémites, aux racistes, à Jackie Kennedy ou à Einsenhower… Le sexe est également un de ses thèmes de prédilection… Par les jeux de mots et les contradictions de sens, Bruce souhaite générer un sens critique, par rapport aux normes de la société… Il veut démystifier l’homosexualité (qui dans l’amérique des années 50 est considéré comme un crime), et démontrer que les gens sont plus sensibles aux mots qu’aux idées qu’ils décrivent… comme le fait que la plupart soit choqués par les mots comme nichons, mais tolèrent l’existence de boites de strip-tease à Las Vegas. Ceux qui ont eu la chance d’assister à ses spectacles le disent : il n’avait aucune limite… ni dans le vocabulaire qu'il utilisait, ni dans les sujets qu'il abordait. Le langage cru de Bruce etait considere par ses admirateurs comme necessaire pour son effet cathartique. Ses detracteurs le jugeaient juste vulgaire, choquant et intolerable…

Il recevra le soutien d’intellectuels et de figures éminentes de la « Beat Generation », comme le poète Allen Ginsgberg… Sa vie intime résonne avec celui qu’il est sur scène, sa relations conflictuelle et passionnelle avec sa femme, la strip-teaseuse, Honey Harlow... Ses abus aussi, drogues et alccol, et enfin sa façon radicale, blessée et sincère de faire face aux carcans sociaux imposées par les normes puritaines américaines de l’époque…

Cette vie a tout de celle d’un héro de roman, ou de film, comme celui que lui consacre le réalisateur américain Bob Fosse en 1974, intitulé sobrement "Lenny". C’est Dustin Hoffmann qui y incarne le rôle de Lenny Bruce, il passe des jours entiers à écouter les sketches de Bruce, et à étudier le personnage, le mimant également devant un miroir, pour entrer complètement dans le rôle. La série diffusée sur Amazon, "Mme Maisel, femme fabuleuse" met en scène un Lenny Bruce qui intervient de façon récurrente comme soutien et ami du personnage principal, et  Bob Dylan lui consacre aussi une chanson en 1981.

Eva Soto