Les mots du président Macron sur les non-vaccinés ont fait le tour du monde, en passant par Israël. Les médias qui ont relayé les termes employés étaient partagés entre l'amusement et la stupeur. L'image que se font les Israéliens de la politique française n'est pas exactement celle d'un discours violent ou grossier, mais plutôt celle de gens bien élevés sous les ors de la république. La visite du musée du Louvre et du château de Versailles peut avoir cet effet sur les touristes.
En Israël étonnamment, le discours politique peut être à la fois extrêmement libre et très maitrisé. Tout dépend du lieu, du sujet et de la fonction de l'orateur. C'est incontestablement à la Knesset que les politiques sont les plus désinhibés. On a encore pu le constater hier (mercredi), lors du vote de la loi sur l'électrification des habitations dans les localités bédouines non reconnues du Néguev. C'est d'abord un député islamiste qui a pris la parole en arabe qui s'est fait interpeller par un élu du Likoud qui le somme de parler hébreu. Puis c'est le Premier ministre Naftali Bennett, scandalisé par une manœuvre de l'opposition qui laisse exploser sa colère, sous les huées de ses adversaires. C'est sur son compte Twitter que le chef du gouvernement a résumé ce qui avait été couverts par les cris, en traitant les élus d'opposition de "bande de voyous". Et le travail en commission parlementaire n'est pas épargné par ce genre de débordement qui peut rapidement dégénérer en injures plus personnelles, comme celles échangées entre députés du parti d'Avigdor Liberman et ceux des partis orthodoxes, sur fond de réforme sur les conversions.
En revanche, les attaques politiques visent rarement le public. Probablement à cause de la diversité du paysage sociétal israélien, les politiques évitent généralement de dresser un secteur contre un autre. Et ils sont prudents dans le choix des mots. On a vu la levée de boucliers suscitée par le ministre de la Sureté Omer Bar-Lev, le mois dernier, quand il avait évoqué la "violence des colons". Ou le scandale, pourtant très calculé, de Benyamin Netanyahou lors des législatives de 2015, quand il avait appelé sur les réseaux sociaux les élus du Likoud à se rendre aux urnes alors que les "Arabes affluaient en masse vers les bureaux de vote".
Quant aux dirigeants politiques qui s'adressent au public, que ce soit dans des discours ou des interviews, ils veillent à employer un vocabulaire en rapport avec leur rôle. Il peut y avoir de la familiarité – le vouvoiement n'existe pas en hébreu – mais jamais de grossièreté. Ce qu'un citoyen a le droit de dire n'est pas permis à un élu ni à un ministre quand il s'adresse au peuple. Même quand la démocratie israélienne a des accès de fièvre, elle tient à ce que chacun reste à sa place.
Pascale Zonszain
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