A l’aube de cette année 2022, outre la crise sanitaire qui dure, il ne faut pas pour autant oublier les autres défis stratégiques qui se présentent à l’Etat hébreu, tout aussi cruciaux, et qui pourraient être catégorisés comme suit : les défis de court / moyen terme et les défis de moyen / long terme.
S’agissant des défis à court / moyen terme, l’Iran, sans surprise, figure en tête des priorités stratégiques d’Israël. Alors que les négociations piétinent et que la communauté internationale s’impatiente face aux multiples provocations de la République islamique, la coordination diplomatique et sécuritaire avec les Etats-Unis et l’UE doit se renforcer, tout en envisageant les autres options possibles, y compris militaires.
Le second défi à court/ moyen terme d’Israël est son alliance avec les pays sunnites du Golfe scellée par les Accords d’Abraham. Ils constituent le revirement géopolitique majeur de ces dernières années et l’Etat hébreu doit tout faire pour les consolider et trouver le moyen de les étendre à d’autres pays arabo-musulmans.
La normalisation des relations avec le monde arabe et l’intégration régionale d’Israël au Moyen-Orient est une priorité absolue.
Enfin, la campagne internationale de délégitimation d’Israël est sans doute la bataille la plus délicate d’Israël et le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid est bien décidé à en faire une priorité pour l’année 2022 : « Nous pensons qu’au cours de l’année à venir, il y aura un débat sans précédent dans sa teneur et ses répercussions autour des termes ‘Israël, un État d’apartheid’ », a-t-il déclaré la semaine dernière lors d’une conférence de presse, citant les campagnes palestiniennes contre Israël à la Cour pénale internationale (CPI), mais surtout la création par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies d’une Commission d’enquête permanente sur l’opération Gardien du Mur menée en mai 2021.
Quant aux défis de moyen / long terme, ils sont d’ordre quasi philosophiques voire existentiels : l’unité de la nation, l’unité du peuple juif et l’avenir d’Israël au sein de la communauté internationale comme « lumière pour les nations ».
Unité de la nation tout d’abord. Jamais la démocratie israélienne n’a autant été mise à mal. Après quatre élections en moins de deux ans, le gouvernement actuel, issu d’une coalition hétéroclite, tient sur un fil tandis que la population semble plongée dans le désarroi le plus profond avec le sentiment d’avoir été trahie. Elle est plus méfiante à l’égard des politiques dont on observe chaque jour la violence verbale dans les débats publics et les médias. Le fossé s’est creusé entre les riches et les pauvres, les "laïcs" et les "religieux", les juifs et les arabes, la gauche et la droite. Ce grand écart ne peut plus durer et la résilience de la nation pourrait en souffrir. La coalition actuelle, sans le parti arrivé en tête lors des dernières élections, contribue à nourrir la défiance et le procès en illégitimité, instruit par des citoyens qui ne cachent plus leur dégoût d’un système qui ne remplit plus sa fonction.
L’unité du peuple juif, ensuite. Elle est aussi menacée. Bien que séparés au cours des siècles, les juifs sont restés une nation, liés les uns aux autres par une histoire et une patrie communes et l’espoir du retour incarné par la fidélité à Jérusalem. En cela, la création de l’Etat d’Israël est la réalisation du rêve millénaire de retour du peuple juif dans sa patrie ancestrale pour y rétablir sa vie nationale, sa souveraineté et son unité.
Mais la pandémie mondiale et ses conséquences sociales et sociétales menacent cette unité. Parce que pour la première fois, les frontières d’Israël ont été fermées aux juifs de diaspora. Une situation qui a été particulièrement mal vécue et qui doit appeler à reconsidérer les modalités de la relation entre les juifs qui vivent en diaspora et les citoyens de l’Etat d’Israël.
De plus, la montée des courants identitaires d’extrême droite face à la menace islamiste, qui exercent une attraction malsaine et dangereuse pour une minorité bruyante de juifs au sein de la communauté française notamment, couplée aux mouvances d’extrême gauche wokistes qui ont pénétré la diaspora américaine, nous amènent pour la première fois à nourrir de grandes inquiétudes quant à l’avenir de la relation entre Israël et les communautés juives de par le monde.
La place d’Israël parmi les nations enfin. Comment Israël, peut-elle être comme le disent nos textes, « Or la goïm », une « lumière pour les nations » ? C’est probablement là que se situe l’aboutissement ultime de la mission du peuple juif. Mais c’est peut-être là où nous devons faire preuve d’une plus grande détermination encore pour montrer au monde ce que sont nos valeurs, tout ce que nous pouvons apporter à l’Humanité, confrontée à de nombreux défis qui menacent son existence. Nous sommes peut-être en train de parler là d’une ère quasi messianique qui contrairement à ce que l’on pense, finira par arriver car la fraternité universelle finira par triompher et l’Etat d’Israël a plus que jamais son rôle à jouer. Théodore Herzl disait : « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve ». Cette prophétie est toujours d’actualité.
Arié Bensemhoun
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