Toute l'affaire ressemble à première vue à une parodie de film d'espionnage de série B. Des grands-mères recrutées sur Facebook par un profil fictif et qui reçoivent des missions pour le moins bizarres de photographier la mairie de Beth Shemesh ou un centre commercial de Holon, de scanner l'étui de leur carte d'identité ou de solliciter l'aide d'une députée du Likoud pour permettre à un appelé de Tsahal d'intégrer une unité de renseignements. Cet inventaire peut faire sourire, surtout quand les apprentis espions qui se sont retrouvés au cœur de l'affaire et arrêtés par le Shin Beth, sont quatre Israéliennes d'âge mûr et le mari de l'une d'entre elles, qui attendent en prison de connaitre leurs chefs d'inculpation.
L'affaire, autorisée mercredi à la publication, confirme que les services de sécurité israéliens avaient très vite repéré le manège des Iraniens et avaient laissé faire pour tenter de remonter la filière. Les suspects avaient en effet été suivis pendant plusieurs années avant d'être arrêtés. Et rien de ce qu'ils ont transmis n'a eu de conséquence sécuritaire. Mais cela ne doit pas pour autant minimiser la gravité des faits et surtout la détermination de l'Iran à pénétrer les défenses israéliennes par tous les moyens possible. Les cinq Israéliens qui sont tombés dans les filets des services iraniens sont nés ou descendent de juifs d'Iran. Et si au départ, leur bonne foi a été abusée, ils se sont mis dans une situation qui risquait de les exposer à un chantage dont ils n'auraient pas pu s'échapper et qui les auraient contraints plus tard à fournir de vraies informations sensibles.
Cela fait déjà des années que les services iraniens tentent de recruter des Arabes israéliens soit pour de l'argent soit par idéologie, pour espionner Israël au profit de l'Iran. Cela se passe notamment par l'intermédiaire du Hamas ou du Hezbollah qui approchent ces espions potentiels en Turquie. Les filières iraniennes sont nombreuses et différents services sont à l'œuvre, qu'il s'agisse des Gardiens de la Révolution via sa force Quds qui opère au Moyen-Orient ou des agents qui sont intégrés au corps diplomatique iranien et qui fonctionnent en Europe ou en Amérique latine via les ambassades et les consulats de l'Iran. La République islamique a d'ailleurs montré ce dont elle était capable à l'extérieur, avec les attentats contre l'ambassade d'Israël et le centre communautaire de Buenos Aires dans les années 90.
Régulièrement, le Shin Beth révèle avoir appréhendé des Arabes israéliens recrutés par l'Iran, mais parfois aussi des Juifs israéliens. On se souvient de l'affaire Nahum Manbar au début des années 2000 et surtout celle de l'ancien ministre Gonen Segev, déjà condamné pour trafic de drogue et qui avait été arrêté en Afrique en 2018, alors qu'il avait commencé à espionner pour le compte de l'Iran. Israël a renforcé ses opérations depuis plusieurs années pour repérer et contrer ces tentatives iraniennes d'implanter des agents à l'intérieur d'Israël et jusqu'à présent avec succès. Si les services israéliens ont toujours une réelle supériorité par rapport aux capacités opérationnelles iraniennes à l'intérieur de leurs frontières, ils savent aussi que l'ennemi ne renoncera pas à chercher de nouvelles brèches.
Pascale Zonszain
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.